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Eloge du désaccord démocratique (Par Adama Gaye)

Alors que l’appel à l’union des coeurs et des esprits, dans la vieille tradition du discours sociologique sénégalais, résonne dans les cercles proches du pouvoir soudain gagnés par une furie du dialogue après avoir longtemps pratiqué le clivage violent, s’inscrire à contre-courant de ce prisme consensualiste relève d’une audace risquée.

C’est pourtant mon choix. Seulement, en récusant les sirènes de la paix perpétuelle, presque Kantienne, qu’on tente de nous vendre comme réponse aux défis innombrables auxquels le pays est confrontés, il faudrait y ajouter que refuser d’aller à la table de Macky sall ne peut signifier être impérativement en phase avec les autres forces politiques, en commençant par Ousmane Sonko, ou même les membres du F24, ayant choisi la politique de la chaise vide face à l’offre de se parler qui vient d’un régime désespéré de s’engager, le monde entier avec lui, dans cette voie.

Le dialogue politique est devenu la sucette que les pouvoirs politiques du Sénégal brandissent chaque fois qu’ils sont acculés pour se donner un peu d’air, pour souffler, afin de rebondir au nom de l’union sacrée, salvatrice pour eux.

C’est donc dire qu’il est juste une arme de soumission massive de ses critiques pour que les problèmes soient oubliés et qu’on fasse semblant que tout marche, et que la politique de l’autruche gouverne les postures de la nomenclature politique, unie dans le déni des réalités ambiantes.

Ce qui est évident cependant, c’est que le pouvoir et les forces qui s’opposent à lui sont du même acabit en ce qu’ils partagent la même cécité politique jusque dans leurs alliances en refusant de débattre en leur sein tant que les vents leur semblent favorables. Qui peut oublier l’arrogance dont a fait montre Macky Sall la plupart du temps qu’il s’accroche à un pouvoir qui lui échappe? Quid de ces opposants ayant laissé grandir des monstres sous leurs aisselles et rétifs à toute observation les mettant en garde, il y a encore peu? Voici un an, avant les législatives, j’avais indiqué ici même que Khalifa Sall, frappé par une condamnation judiciaire solidement assise, ne pouvait pas conduire la liste de l’opposition qui se mettait en place sous la coalition Yewwi Askan Wi, délenchant aussitôt des cris d’orfraies dans tous les sens…Puis peu après les législatives, je dévoilais le déplacement nocturne chez ELimane Lam de deux taupes de haut vol de l’oppostion Yewwi, les deux candidats qui s’étaient déclarés pour le Perchoir de l’Assemblée nationale, mais outre l’incrédulité les réactions furent des haussements d’épaules voire de doutes sinon des ricanements. Sur tous les plans, l’histoire m’a donné raison. Plus que raison. Tout ce que j’avais écrit, fondé sur des sources d’information indéniables, s’est révélé juste, précis, clinique. Sans qu’aucune excuse ni admission des bêtises fondatrices ne vienne en saluer la préscience, la pertinence.

Et donc nous voici à nouveau face à un autre moment “chutzpah”, où, brusquement, on découvre que les politiciens du pays ne sont pas à des deals près, dans un enfantillage honteux, sur un discours méprisable qui réduit la vie politique à une affaire de lait caillé, pain ou je ne sais quoi encore juste pour légitimer les trahisons contre le peuple et le pays.

Je ne suis pas surpris par ces mésalliances qui s’affichent au grand jour. C’est ne rien connaître à l’histoire du Sénégal que de s’attendre à ce que les traitres politiques d’hier, tontons macoutes politiques d’alors, se transforment en acteurs droits et rectilignes en s’enrobant de la rethorique d’opposition….

La faute revient à celles et ceux qui avaient formé la coalition Yewwi Askan Wi en y offrant les premières places aux traitres qui se révèlent maintenant parce qu’ils se sentaient rassurés par leur larbinisme apparent d’alors.

Bien fait, peut-on être tenté de dire. La vérité est qu’en refusant un débat franc et contradictoire, en voulant imposer un silence dans les rangs, l’alignement sur un Evangile pro-domo, au service d’une seule personne ou de ses alliés, on a créé les conditions du délitement de cette opposition profondément pénétrée, infiltrée et rongée par des forces toxiques ayant eu la rouardise de cacher leur jeu au profit du pouvoir.

Ce qui aurait pu faire les bases d’une alliance générale des forces vives du pays contre le régime assassin finit par n’être qu’un tissu étiolé, progressivement réduit à un groupe tétanisé par l’encerclement des nervis, armés jusqu’aux dents, la férocité de la traque des forces de défense et de sécurité d’une violence aveugle et partiale ou par les décisions iniques d’une justice prompte à decerner des lettres de cachet destinées à une frange politiquement et ethniquement marquée de la société.

Il est à craindre pire, toutefois, parce qu’à ce jour, hors les formules enfantines et les challenges qui font rire, on ne sent pas une capacité à grandir chez les cibles du pouvoir, pour l’essentiel, qui les ferait dépasser leurs réflexes moutoniers d’insulteurs sur la toile, sur la défensive. Or, accepter que le débat démocratique ne se fera pas caporaliser pour qui que ce soit est le premier pas vers la maturité. Ne pas s’y résoudre, c’est le meilleur moyen de contraindre les uns et les autres, qui n’acceptent pas les méthodes sectaires et qui fleurent bon la dictature d’un groupe, même aux abois, à s’en éloigner le plus loin possible. Quitte, hélas, pour certaains, à aller chercher ailleurs, y compris de s’asseoir autour d’une dégueulasse, corrompue, finissante soupe.

La politique, c’est l’addition et non la soustraction, aimait à dire François Mitterrand, un défunt Président Français, qui s’y connaissait. C’est, sous ce prisme, une activité qui invite à la générosité. Ce n’est surement pas la dictature.

Quiconque pense pouvoir imposer une univocité en la réduisant au Sénégal par des formules de détresse, du genre “c’est le projet”, se gourre lourdement.

On acceptera les désaccords constructifs ou rien ne sera. Après tout, ce pays n’appatient à quelque prophète que ce soit.

Et nous le disons en réaffirmant notre détermination à combattre pied à pied Macky Sall et ses pratiques, sans recul ni concessions, mais sans signifier que nous nous mettons sous le chapiteau de qui que ce soit, surtout que les plus grandes erreurs, les bourdes, sont pareillement partagées entre le régime de Macky Sall et toutes ces forces qui se disent ses opposants, sans exception.

Je reste au balcon, et y trace mon chemin, en solitude s’il y a lieu, en faisant, à haute voix les éloges du désaccord consubstantiel à la démocratie. Quiconque pense qu’on lui fera un chœur unanime n’a qu’à aller se rhabiller…

Ps: Un membre de Pastef s’est autorisé à écrire que j’avais un dossier qui, comme Karim et Khalifa, me forcerait à vouloir aller au dialogue. Outre que c’est faux, que je n’ai aucun dossier qui m’oblige à quoi que ce soit, j’ai été le premier ici à rejeter le dialogue de Macky, tout le monde sait que je ne suis pas dans un combat pour effacer des crimes financiers comme les autres. Mon seul tort est d’être le plus constant et ferme critique de Macky Sall, que je dénonce arguments et faits à l’appui sans qu’il puisse bouger sauf à chercher appui sur ses forces judiciaires ou de sécurité aux ordres…

Quiconque, de Pastef ou d’ailleurs, me diffamera sera poursuivi en justice où que ce soit…

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