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Démission fracassante : le 1er président de la Cour d’Appel de Kaolack flingue les magistrats insulteurs

Le premier président de la Cour d’appel de Kaolack Ousmane Kane vient d’annoncer par lettre sa démission de l’Union des magistrats du Sénégal. Voici in extenso sa correspondance adressée au président de l’Ums.

L’affectation controversée de notre collègue Ngor Diop a été l’occasion pour les magistrats insulteurs de leurs ainés de la hiérarchie de reprendre du service; comme ce fut le cas lors de l’Assemblée générale extraordinaire de l’Ums, à Dakar, il y a quelques années, au cours de laquelle de jeunes collègues ont passé leur temps à abreuver d’insultes les hauts magistrats qui avaient osé prendre la parole, ignorant certainement que l’ergonomie de la salle rendait les insanités qu’ils proféraient parfaitement audibles. Au-delà de l’impolitesse inacceptable dont certains collègues ont fait montre dans les échanges à la suite du communiqué de l’UMS, c’est la gratuité des attaques et le silence du bureau qui sont insoutenables.

La fiche de consultation du collègue Ngor DIOP a été passée le 8 juillet 2020, dans un lot de 10 mesures, alors que le mobile de l’affectation du collègue invoqué par le bureau n’a été révélé que dans le communiqué interne du 9 août 2020, soit 30 jours plus tard. Il se pose alors la question de savoir par quelle alchimie les membres du Conseil supérieur de la magistrature, loin du ressort de la Cour d’appel de Saint Louis, doivent avoir la moindre connaissance de la raison qui sous tendrait la mesure frappant le collègue. Le problème du magistrat Ngor DIOP, si l’information donnée par le bureau est avérée, ne saurait se réduire à sa seule personne.

C’est plutôt le système qui l’aurait permis qu’il faut corriger, à savoir le pouvoir discrétionnaire du ministre de la justice dans la gestion de la carrière du magistrat, qui lui permet d’affecter un magistrat pour le sanctionner ou lui octroyer une promotion indue. Je dois à la vérité de dire, notamment à l’intention des collègues qui trouvent le Conseil supérieur de la magistrature inutile, sans violer le secret de nos délibérations, à chaque fois qu’une mesure proposée par le ministre a fait l’objet de contestation, notamment de la part des magistrats élus, ne serait-ce que pour un défaut de consultation du magistrat concerné, le Président de la République a demandé qu’elle soit ajournée; tout comme il avait accepté le principe de la mise en compétition des postes, sauf pour certaines fonctions.

Ces discussions majeures avaient connu un début d’exécution par le précédent Garde des Sceaux, qui avait initié la pratique de ce qu’il avait appelé les « consultations améliorées », qui permettaient de discuter des mesures envisagées, sous sa présidence, avant leur présentation à la signature du Président de la République, ce qui sonnait la fin des consultations à domicile si décriées. C’est cette dynamique qu’il importe de reprendre, en soumettant le problème à qui de droit, avec le sens de la mesure, la délicatesse et la courtoisie qui conviennent, qualités par lesquelles le magistrat doit se distinguer et qui nous ont permis de faire des avancées remarquables dans l’amélioration de nos conditions matérielles de travail.

Le combat pour le changement du système ne sera pas gagné par l’UMS seule, encore moins par des invectives à l’endroit des magistrats de la hiérarchie qui ne sont pas eux-mêmes à l’abri d’abus de ce système dont j’ai été moi-même victime en 1994 déja. Les chefs de la hiérarchie judiciaire, conspués et insultés par des collègues dont ils ont contribué à la formation, vous seraient d’un apport décisif si les magistrats apprenaient enfin à les respecter.

En ce qui me concerne, ne pouvant plus supporter ces insultes, je vous présente ma démission de l’Ums. Je vous prie d’accepter, Monsieur le Président, l’expression de ma considération distinguée.

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