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Comment AfricTivistes a engagé sept communes d’Afrique dans la gouvernance ouverte

En juillet 2021, AfricTivistes, la ligue des blogueurs et cyber-activistes africains pour la démocratie, a réuni sept maires d’Afrique de l’Ouest à Dakar au Sénégal pour un séminaire inédit sur la gouvernance ouverte locale. Une rencontre durant laquelle les élus locaux ont pris un engagement fort en faveur de l’ouverture et de la collaboration avec la société civile en s’appuyant sur le numérique. La démarche s’inscrit dans le cadre du projet Local Open GovLab (LOG) mis en œuvre en partenariat avec le National Endowment for Democracy (NED). Pour en arriver là, nous avons dû parcourir un long chemin qui est loin d’être fini.

Un projet de longue date

L’idée d’un projet de gouvernance ouverte à l’échelle locale a germé au sein des équipes d’AfricTivistes depuis plusieurs années. Les premières bases ont été posées à l’issue du cinquième sommet du Partenariat pour un gouvernement ouvert qui s’est déroulé du 6 au 9 décembre 2016 à Paris, en France. Ce sommet avait eu la particularité d’être celui au cours duquel le gouvernement ouvert a été porté au niveau des collectivités locales. Sous le leadership de la Maire de Paris Anne Hidalgo, le gouvernement ouvert au niveau local est né.

Présents à ce sommet, avec une participation active, plusieurs membres de l’équipe dirigeante d’AfricTivistes ont commencé à pencher sur un projet pouvant apporter les collectivités locales vers une gouvernance ouverte. Le plaidoyer au niveau national ayant toujours du plomb dans l’aile, les collectivités locales sont apparues comme une cible plus facile à convaincre. Elles deviennent aussi les espaces politiques et citoyens les plus favorables à une transformation sociale “bottom-up” aux yeux d’AfricTivistes.


Après plusieurs années de travail qui ont vu, entre autres, la publication en 2018 d’un livre blanc intitulé “De la donnée ouverte au gouvernement ouvert” lors du deuxième Sommet des AfricTivistes de Ouagadougou (Burkina Faso), le projet Local Open GovLab (LOG) va prendre forme en 2019. Il va être présenté  à plusieurs potentiels partenaires financiers pour le soutenir. C’est finalement le National Endowment for Democracy (NED) qui accepte de nous accompagner dans cette démarche. Engagé pour le renforcement et le progrès des institutions démocratiques dans le monde, le NED a trouvé en LOG une bonne opportunité pour soutenir les efforts d’ouverture des données et de participation citoyenne au sein des  collectivités locales africaines pour une gouvernance ouverte plus inclusive et participative.

Le projet LOG est conçu à travers une approche innovante et inclusive associant :

●        L’utilisation de technologies de l’information et de la communication pour l’administration locale ;

●        La mobilisation de jeunes acteurs de changement de la société civile africaine aux compétences diverses et variées ;

●        La création d’un réseau d’élus locaux engagé autour des principes de la gouvernance locale ouverte ;

●        L’encouragement et la promotion de la mobilité scientifique et technique chez les jeunes au niveau continental ;

●        Une démarche d’accompagnement par le biais d’un parcours assisté à la gouvernance locale ouverte d’une période de 6 mois ;

●        Une approche orientée information par la documentation des différentes étapes du projet.

Objectifs et méthodologie du AfricTivistes Local Open GovLab

Le projet LOG est pensé comme un laboratoire d’innovation et de participation citoyenne pour une gouvernance locale ouverte par le biais du numérique. Il s’appuie sur un parcours assisté de gouvernance locale ouverte pour une durée de SIX mois avec la mise à la disposition de chaque mairie bénéficiaire d’un Volontaire AfricTivistes pour la Gouvernance Locale Ouverte (VAGOA). Le rôle de ce dernier inclut les interventions suivantes :

●        l’ouverture de données publiques locales ;

●        l’implication des populations dans la gestion et l’organisation des affaires de la cité ;

●        la sensibilisation des citoyens et la formation des élus pour un meilleur accès à l’information d’intérêt public ;

●        la création d’un cadre de communication, d’échanges des citoyens pour une meilleure collaboration avec les élus ;

●        l’encouragement à la redevabilité des élus afin qu’ils soient en mesure de mettre à disposition toutes informations utiles à leurs administrés ;

●        l’élaboration de mécanismes et d’outils d’aide à la modernisation de l’administration locale.

Alors que les collectivités locales bénéficiaires s’engagent à accueillir le volontaire et lui faciliter sa mission, AfricTivistes s’est engagée auprès des mairies pour la conception de la plateforme officielle de la mairie concernée, la valorisation des données publiées, le transfert de compétence et la conception d’outils et de solutions informatiques selon les besoins exprimées par les Mairies.

Sélection des collectivités locales et des volontaires

Si AfricTivistes pilote la coordination globale du projet LOG, sa mise en œuvre opérationnelle est réalisée par la rencontre des collectivités locales bénéficiaires et les Volontaires d’AfricTivistes pour une gouvernance locale ouverte (VAGOA). Ces deux parties prenantes ont été sélectionnées à l’issue de procédures d’appels à candidatures libres et ouvertes au public.

D’abord, un message a été envoyé aux abonnés à la newsletter d’AfricTivistes à l’adresse des membres du réseau, des partenaires techniques et financiers, des participants aux programmes AfricTivistes, de la presse africaine et internationale. En plus de cela, des publications ont été faites sur les réseaux sociaux (Facebook et Twitter. L’appel à candidature a été lancé via le site web dédié au projet https://log.africTivistes.org pour la sélections des collectivités locales ainsi que pour les Volontaires AfricTivistes pour la Gouvernance Locale Ouverte. Les deux appels à candidatures ont été lancés simultanément et ont eu tous les deux la même durée (40 jours).  Au total, 363 candidatures ont été déposées pour les Volontaires et 15 mairies ont soumis leur candidature pour bénéficier du programme.

La diversité des différents profils de candidatures ainsi que celle de leur expérience démontrent du potentiel et de la volonté des jeunes africains de participer aux dynamiques citoyennes pour impulser des changements dans nos sociétés. Concernant les collectivités locales, il a été noté que certaines candidatures envoyées par des mairies n’ont pas retenu l’attention du comité de sélection notamment à cause des champs du formulaire de candidature non remplis ou peu motivés.

La présélection des VAGOA a été faite sur la base des critères suivants :

●        domaine de compétence

●        disponibilité durant la période de volontariat

●        disposition d’un passeport valable au moins 1 an

●        expérience sur un projet d’open data

●        avoir dispensé un module de formation

●        connaissance de la gouvernance locale

●        connaissances en matière de civic tech, e-democratie, gouv tech, participation citoyenne, engagement civique

●        motivation

Les sept volontaires retenus ont été sélectionnés à l’issue d’un entretien individuel parmi une liste de 36 personnes présélectionnées. Pour ce qui concerne les collectivités locales, leur sélection a été facilitée par le nombre réduit de candidatures. Pour s’assurer de leur volonté politique à participer au projet, nous avons organisé des visioconférences avec les mairies pré-sélectionnées. Des membres de la société civile locale, les maires et d’autres personnels de leur commune ont été invités à cet échange. Il était question notamment de comprendre leur motivation, leur expliquer les objectifs du projets et ses différentes étapes. Ces échanges nous ont également permis d’identifier avec eux les besoins de la collectivité en matière de gouvernance ouverte, connaître les acteurs qui seront impliqués et partager notre stratégie de mise en œuvre des activités prévues. A l’issue de cette visioconférence organisée avec les représentants de chaque collectivité locale, sept (07) d’entre elles ont été retenues pour bénéficier du projet.

La stratégie du LOG consiste à déployer les Vagoa comme assistants techniques des collectivités locales pour la mise en œuvre des principes de la gouvernance ouverte dans leur localité. Dans cette logique, les différents volontaires sélectionnés ont été notifiés des collectivités locales dans lesquelles ils seront déployés. Ce déploiement sera fait de sorte à ce qu’un volontaire ne puisse intervenir dans une collectivité locale de son pays d’origine.

A la suite de la confirmation, l’équipe projet a organisé deux différentes sessions de mise à niveau au profit des volontaires sur l’utilisation d’outils collaboratifs, les données ouvertes, l’implication des acteurs de la société civile de leur mairie d’affectation, l’écriture de rapports et autres.

Un séminaire de lancement réussi, une déclaration inédite

Pour lancer officiellement le projet Local Open GovLab, nous avons organisé un séminaire de lancement à Dakar le 29 juillet 2021. Il a été l’occasion de réunir tous les sept maires bénéficiaires du projet afin de discuter avec eux et de connaître leurs perspectives sur l’ouverture et la collaboration au sein de leurs administrations respectives.

Le séminaire de Dakar a été une parfaite réussite dans la mesure où il a permis de constituer un réseau d’élus locaux d’Afrique autour de la gouvernance ouverte. Il a été l’occasion de ratifier les conventions de partenariat et d’engagement  à la gouvernance locale ouverte signées entre AfricTivistes et les mairies bénéficiaires mais aussi d’ouvrir un débat, des réflexions et discussions autour de la question de gouvernance locale ouverte.

L’autre grand succès du séminaire de lancement du projet LOG a été la signature par les sept maires présents de la Déclaration de Dakar sur la Gouvernance Locale Ouverte. Inédite en son genre, la Déclaration de Dakar préparée par AfricTivistes et approuvée par les élus locaux réaffirme la nécessité d’ouvrir la gouvernance locale pour une action publique efficace. Elle réaffirme aussi l’engagement des élus locaux l’ayant signé à mettre en œuvre les principes du gouvernement ouvert dans leurs collectivités et invite les autres élus locaux du continent à  faire de même. La Déclaration de Dakar est aussi un plaidoyer à l’endroit des gouvernements centraux à soutenir les collectivités locales dans leur volonté de tirer profit des possibilités du numérique pour une gouvernance publique ouverte et bénéfique aux populations.

Découvrez l’intégralité de la Déclaration de Dakar sur la gouvernance locale ouverte ici

Un accompagnement pratique sur six mois

Depuis août 2021, les volontaires  accompagnent les collectivités locales dans la mise en œuvre des principes du gouvernement ouvert au sein de leur administration et dans leurs rapports avec les administrés. Cet accompagnement va durer six mois dont trois à distance compte tenu du contexte sanitaire lié à la pandémie de Covid-19.

Le cahier de charges des volontaires comprend un accompagnement quotidien des collectivités locales dans leurs démarches d’ouverture. Mais aussi, il comprend aussi la documentation des démarches et des innovations mises en œuvre dans ce sens. Cette documentation que nous espérons riche va alimenter le Guide des maires pour une gouvernance locale ouverte qui sera édité à l’issue du programme. Un Guide des volontaires développé au début du projet pour faciliter l’intégration des volontaires sera édité à la fin du projet en incluant les leçons apprises des volontaires. Ces deux Guides, fruits de collaboration des différents acteurs du projet, seront mis à la disposition de tous . En outre, les volontaires documentent leur expérience à travers des blogs.

Dans le but de pérenniser les actions au niveau des mairies, les volontaires AfricTivistes doivent renforcer les capacités de personnes, identifiées par chaque mairie, qui poursuivront, à la fin du projet,  les actions qu’ils auraient initiées.  Les volontaires et l’équipe AfricTivistes poursuivront l’accompagnement des mairies au-delà de la fin du projet afin de s’assurer de la continuité des actions.

La mise en relation des différents maires lors du lancement de Dakar commence à porter ses fruits. En effet, les mairies qui sont à divers niveaux de compétence en relation avec le numérique, ont commencé à échanger sur les bonnes pratiques. Certains ont même émis le souhait de faire des visites d’échange afin d’apprendre des mairies qui sont en avance. Ce genre d’initiative permettra de consolider ce tout niveau  réseau d’élus locaux pour la gouvernance locale ouverte.

Perspectives

S’inscrivant dans une logique d’accompagnement par la connaissance et les soft-skills, le LOG pourrait plus impacter les collectivités locales bénéficiaires si de nouveaux partenariats pourraient s’engager à proposer un soutien matériel (outils informatiques, réseau, plateau technique).  L’association de l’accompagnement technique à l’équipement informatique constitue une réponse à une demande de plus en plus accrue au niveau des collectivités locales où la majeure partie des populations ont déjà entamé des activités dans le cyberespace.

Le projet Local Open GovLab est désormais dans une phase active très concrète. Mais du côté d’AfricTivistes, nous réfléchissons déjà aux perspectives après cette première étape d’une durée d’un an. Convaincus que l’avenir de la gouvernance publique se fonde sur l’ouverture, la transparence et la co-création en tirant profit du potentiel des outils numériques, AfricTivistes envisage déjà à reconduire le projet pour une deuxième année en élargissant à plus de collectivités locales bénéficiaires.

En outre, AfricTivistes envisage de faciliter le jumelage des mairies du projet LOG en relation avec des collectivités locales d’autres continents afin d’assurer aux mairies la poursuite de leur parcours effectif vers la gouvernance locale ouverte et ainsi renforcer la participation citoyenne, la redevabilité et la démocratie sur le continent.

Il faut dire qu’en Afrique, l’adoption de la gouvernance décentralisée est plutôt récente, portée par la vague de démocratisation du début des années 1990 et les exigences des différentes composantes de la société civile sur le continent. Les mêmes exigences, encore persistantes aujourd’hui, nous obligent à exploiter les capacités du numérique pour renforcer la participation citoyenne au niveau local. Les dizaines de milliers de collectivités locales à travers le continent peuvent profiter de l’expérience du projet LOG.

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