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Pourquoi la polio refait surface au Sénégal ? * Africa Check

Au Sénégal, des cas de poliomyélite ont été relevés en avril dans les trois départements de la région de Diourbel. Qu’est-ce que la polio ? Comment se manifeste-t-elle ? Pourquoi refait-elle surface au Sénégal ? Cette fiche d’information répond à ces questions.

Dix cas de poliomyélite ont été relevés au niveau national à la date du 21 mai 2021, selon le chef de la division surveillance épidémiologique au Ministère de la Santé et de l’Action sociale, Dr Boly Diop.

Dans le détail, il s’agit de trois cas environnementaux, c’est-à-dire des cas trouvés dans des eaux usées, et de sept cas humains identifiés à Touba et Diourbel (respectivement à environ 190 km et 160 km à l’est de Dakar), précise Dr Diop à Africa Check.

Le chef de la brigade régionale d’hygiène de Diourbel, le capitaine Falilou Sarr, a rappelé que le Sénégal qui a éradiqué la poliomyélite en 2020 est resté pendant dix ans sans aucun cas. 

Effectivement, le 25 août 2020, la Commission africaine de certification de l’éradication de la poliomyélite (ARCC), qui est l’organisme indépendant chargé de suivre et de superviser le processus de certification sur le continent, avait déclaré officiellement, que la Région africaine de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) est exempte de poliovirus sauvage.

La décision de la Commission africaine de certification de l’éradication de la poliomyélite est intervenue après un processus exhaustif de documentation et d’analyse sur plusieurs décennies de la surveillance de la poliomyélite, de la vaccination et des capacités de laboratoire des 47 États membres de la Région, qui comprenait des visites de vérification sur le terrain dans chaque pays.

Qu’est-ce que la poliomyélite ?

Communément appelée polio, la poliomyélite est une maladie très contagieuse provoquée par un virus. Elle envahit le système nerveux et peut entraîner une paralysie totale en quelques heures. Selon l’OMS, la poliomyélite touche principalement les enfants de moins de 5 ans.

Dr Dahy Ka, infectiologue au service des maladies infectieuses et tropicales du Centre hospitalier universitaire de Fann à Dakar, confirme à Africa Check que la « poliomyélite antérieure aiguë (PAA) encore appelée maladie de Heine-Medn ou paralysie infantile est une maladie infectieuse aiguë et contagieuse ». La poliomyélite est « une maladie à déclaration obligatoire », c’est-à-dire qu’il faut la déclarer dès qu’il y a un cas, prévient le spécialiste.

Toutefois, l’OMS assure que dans la plupart des pays, l’action mondiale a permis de renforcer les capacités de lutte contre d’autres maladies infectieuses en développant des systèmes de surveillance et de vaccination efficaces.

Symptômes et mode de transmission de la poliomyélite

La poliomyélite se manifeste d’abord par « des symptômes de type grippal (fièvre, fatigue, céphalées) pouvant s’accompagner de vomissements, raideur de la nuque et douleurs dans les membres », peut-on lire sur le site  de l’Institut Pasteur.

Une paralysie irréversible (des jambes généralement) survient chez une personne infectée sur 200 environ, poursuit l’article qui indique que « sans mesure palliative, entre 5 et 10 % des patients paralysés meurent par asphyxie du fait de la paralysie des muscles assurant la ventilation ».

L’OMS indique que le virus de la poliomyélite se multiplie dans l’intestin et se transmet d’une personne à une autre principalement par voie fécale-orale. La transmission est aussi possible par voie aérienne à partir de sécrétions rhino-pharyngées, souligne Dr Dahy Ka.

Comment prévenir la polio ?

En l’absence de traitement, la vaccination est la seule action médicale préventive, indique l’Institut Pasteur. Selon l’OMS, il existe deux types de vaccin contre la poliomyélite.

Il y a le vaccin anti poliomyélite inactivé (VPI) qui, selon le Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec « protège contre les trois types de poliovirus plus 90 % des personnes ayant reçu deux doses et près de 100 % de ceux qui ont reçu la troisième dose de 6 à 12 mois plus tard ». L’OMS souligne qu’il « comprend des souches inactivées (mortes) des trois types de poliovirus (et) fait l’objet d’une injection intramusculaire réalisée obligatoirement par un agent de santé qualifié ». Même s’il prévient l’infection, le VPI n’interrompt pas la transmission du virus, prévient l’OMS.

Le vaccin poliomyélite oral (VPO) est le deuxième type de vaccin contre la polio. Il contient des souches vivantes et atténuées de polivirus et se prend par voie orale. ll ne nécessite donc pas le recours à des agents santés qualifiés, souligne l’OMS qui précise que c’est « le seul moyen efficace d’arrêter la transmission du polivirus en cas de flambée épidémique », puisque trois doses de VPO confèrent « une immunité à vie ». Ce vaccin présente toutefois un inconvénient, « la possibilité d’induire la maladie chez certaines personnes vaccinées et l’introduction dans la nature de souches de polivirus vivantes », selon l’Institut Pasteur.

Le Sénégal utilise le vaccin antipoliomyélitique oral (VPO) et le vaccin polio à virus inactivé (VPI) relève le Dr Ousseynou Badiane, directeur du Programme élargi de vaccination. Le « VPO protège contre la polio de types 1 et 3 et le VPI protège contre les types 1, 2, 3 », ajoute-t-il

Poliomyélite dérivée d’une souche vaccinale

Cette note de l’OMS indique que « le VPO peut entraîner l’apparition d’une poliomyélite paralytique associée au vaccin (PPAV) et d’un polivirus dérivé d’une souche vaccinale (PVDV) ». Les deux phénomènes sont semblables mais distincts, précise le document.

Le premier est causé par « la modification génétique, dans l’intestin, de la souche vaccinale atténuée présente à l’origine dans le VPO », précise l’OMS. La PPAV « est associée à l’administration d’une dose unique de VPO à un enfant ou peut survenir chez un proche contact non vacciné ou non immunisé du vacciné qui excrète le virus muté », ajoute l’agence onusienne.

Pour ce qui est du PVDV, l’OMS fait savoir qu’il s’agit d’une souche de polivirus « très rare issue de la modification génétique de la souche originale contenue dans le VPO ». Sous certaines conditions, « une souche de PVDV peut subir des modifications et reprendre une forme susceptible de causer une paralysie chez l’homme et d’acquérir une capacité ce circulation prolongée ». L’agence onusienne précise que cela survient « lorsque la vaccination systématique ou les activités de vaccination supplémentaires ne sont pas correctement menées, laissant une partie de la population exposée au poliovirus ».

Des cas de PVDV ont été signalés en 2017 en Syrie, en 2018 en République démocratique du Congo, au Nigeria, en Somalie et en Papouasie Nouvelle Guinée.

Pourquoi la polio refait surface au Sénégal ?

Le chef de la brigade régionale d’hygiène de Diourbel, où les cas de poliomyélite ont été signalés, impute le retour de la poliomyélite au relâchement dans la vaccination.

Le directeur du Programme élargi de vaccination, Dr Ousseynou Badiane, joint par Africa Check, explique qu’au début de la pandémie de la Covid-19,  « il y a eu effectivement une baisse des performances » due à plusieurs causes notamment le fait que les autorités « avaient demandé aux Sénégalais de réduire leur déplacement, de rester chez eux ». Mais, poursuit Dr Badiane, « tout le monde s’est très vite ressaisi. Des directives du ministère de la Santé pour une sensibilisation accrue avaient été reçues ».

Dr Badiane précise toutefois que « de tout temps, certaines zones, comme Touba, sont moins vaccinées que d’autres ». Quand les premiers cas de polio ont été déclarés en 2020, une enquête de voisinage pour avoir une idée sur la couverture vaccinale a été menée sur des enfants de plus de 5 ans à Touba, il s’est avéré que « 45 % n’avaient pas reçu le vaccin polio à virus inactivé », précise-t-il.

L’OMS et l’Unicef avaient d’ailleurs, le 6 novembre 2020, alerté le monde, sur le risque de résurgence de maladies comme la poliomyélite et la rougeole du fait notamment de la pandémie de la Covid-19.

Pour faire face à la résurgence de la polio, les autorités sanitaires sénégalaises ont lancé en mai 2021 une campagne de vaccination de rattrapage qui a permis de vacciné 34 224 enfants âgés de 3 à 5 ans dans la région de Diourbel.Mariama Thiam

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