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Pour qui sont les émissions en Wolof ? (Bruno d’Erneville)

Pour comprendre les débats dans les émissions supposées en wolof vous devez d’abord être instruit en français, oui. Sinon comment comprendre les nombreuses immixtions de mots français, souvent d’ailleurs considérés comme des mots «recherchés» ? Les débatteurs mais aussi les animateurs, basculent allègrement du wolof au français souvent sans raison à des moments du discours où les synonymes wolofs ne sont pas difficiles. Pire ils le font en utilisant des mots français que le commun des mortels n’utilise pas. Quel est donc l’objectif ? Qui veut-on convaincre ou informer ? Ce ne sont ni les masses (généralement non instruites), ni les instruits qui ne comprennent pas le wolof. Il semble que les seuls qui doivent «piger» soient les «nandités», ceux des grandes villes qui ont vécu en banlieue et surfent allègrement sur une nouvelle langue créole devenue une pratique courante, le «franglof» dont les méthodes d’assemblage répondent à des codes. Quand on y ajoute qu’aucun effort n’est produit pour expliquer le sens des mots juridiques très spécialisés tels que les «attendus», les «considérants» ou même les listes «proportionnelles», «nationales», «majoritaires» ou «départementales» cela devient finalement un film pour beaucoup de monde; un film où l’on regarde des gladiateurs s’étriper dans une ambiance tragicomique. J’ai eu moimême la douloureuse expérience de constater que nombre de personnes supposées éduquées ne connaissent pas le ba-ba du droit, encore moins la hiérarchie des cours et tribunaux ni même les bases du code électoral pour construire les listes et comment on les élit ! Ainsi, lorsqu’on souhaite éduquer nos concitoyens et donner des leçons aux dirigeants, aux politiques et aux institutions, on nettoie déjà devant sa porte pour ne pas donner l’impression de vouloir une chose (éduquer les masses) et son contraire (parler aux instruits ou nandités). Il est grand temps pour nos médias de se remettre en question sur le plan de la qualité des émissions si l’on veut atteindre l’objectif d’éveil des consciences et notamment faire comprendre les enjeux de l’Assemblée Nationale. Avant de débattre sur les programmes que les candidats proposeront, il est essentiel que le public comprenne pourquoi et comment certains doivent ou non être recalés, pourquoi la violence n’y réglera rien et encore moins un report des élections. Nous ne sommes pas encore à la présidentielle, c’est encore un autre enjeu et la configuration des forces changera sans doute alors ; ne perdons donc pas de temps sur cela. Commençons par plus de discipline individuelle dans les débats, plus d’effort de pédagogie aussi, et alors peut-être qu’un jour nous pourrons inverser le cours des choses, cette chienlit qui s’installe.

Bruno d´Erneville

Président du Parti pour l’Action Citoyenne

Membre de la coalition BUNT-BI

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