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Entre négationnisme et absolutisme : Guerre des tranchées ouvertes au Sénégal (Khaly Moustapha LEYE)

Devinette : mon double est mon ombre. Le doublon de mon âme s’appelle mon homonyme. Ce dernier a la carrure d’un homme État. Il fut un grand homme reconnu dans le monde entier. Étant du nombre des véridiques, il avait la langue ferme –et non fourche- des croyants dont la parole est comme un bel arbre qui produit des fruits en toutes saisons. Qui suis-je ? Sachons que le double langage ne le connaît pas, et donc, certes il a horreur de ceux qui entretiennent la duplicité de langage. Si on peut échapper à un lion qui nous a rattrapés, nul ne peut échapper à sa propre langue quand celle-ci vous rattrape. La guerre des mots est lancée au Sénégal pour ne pas perdre la face, pendant que la guerre des tranchées se prépare campagne électorale, bientôt ouverte, au Sénégal et à l’étranger. Pour un scrutin inédit qui fera date dans l’histoire et va donner sens et portée à la non-candidature de Macky Sall. Radioscopie d’un méli-mélo bien senegalensis…

En la matière nos hommes politiques sont moins vertueux que ceux d’auparavant. Quelles que soient les tares qu’on aurait à reprocher à nos aînés et anciens des premières générations de pionniers dans la gestion démocratique des affaires publiques, leurs homologues d’aujourd’hui sont plus enclins à faire dans le populisme et la langue de bois. En toute démagogie, il se trouve que les raisons qu’ils ont de désespérer de la cause politique sont plus nombreuses que celles qui leur permettraient d’avoir foi en les institutions en place, et de pouvoir espérer sur la bonne fin des choses. Ce dont ils se sentent des plus pressés d’obtenir pouvoir et privilèges, de fonctions et d’attributs, que de vouloir absorber toute cette tristesse populaire et éponger la grande désolation. Des affres qui résultent des politiques sociales iniques et désemparantes conduites et mises en œuvre par le pouvoir en place, et que beaucoup contestent en maints endroits, pour ses choix équivoques.

Des plus pressés d’obtenir pouvoir et privilèges de fonctions et d’attributs

Aussi, dire que l’homme Macky a décidé de ne pas se représenter à sa propre succession, n’est pas un acte de bravoure posé. Mais la simple et banale réponse à un quizz constitutionnel donné sujet commun à des jeunes bacheliers candidats libres composant aux épreuves officielles. C’est dire qu’entre le dire et le faire, il y a tout un monde qui vous observe. Et endiguer le fait du dire par du déjà dit, écrit et répété, est une intention de contourner l’obstacle du code éthique pour verser carrément dans la mare politique, où les bons points se distribuent comme des sucettes aux hommes politiques capables de se remettre en selle.

Pour autant, se regimber ne veut pas dire ne pas retomber dans la sauce de l’opposition. En cela, Birame Soulèye a vu juste en agissant par des propos alarmants et adoucissants pour panser ses propos précédents qui faisaient mal à ceux qui ont la promptitude de s’enflammer de ttoute parole sortie hors de son contexte au cours de la conférence de presse de Yewwi askan wi, ce mardi.

Or, si c’était un coup fourré, un coup de Jarnac porté au discrédit de leur leader Ousmane Sonko, ils ne trouveraient certes pas à dire, hormis que “ses propres camarades commencent à le lâcher à cause de son radicalisme“. Il est vrai qu’il en fait un peu trop PROS en appelant constamment les jeunes à envahir la rue. Mais, combien de paroles insanes n’a-t-on pas entendues le concernant et qui n’ont ému personne sinon ceux et celles qui gagnaient là un malin plaisir à rire intérieurement de tout ce charivari ? That is the question !

Ses propres camarades commencent à le lâcher à cause de son radicalisme

Il se trouve qu’on est au Sénégal et pas ailleurs. Un pays où tout se règle par la parole, en dehors des réactions musclées qui peuvent attendre de ne pas en venir presqu’aux mains. Donc, rire d’autrui ne signifie rien d’autre que se gausser du malheur rapporté des autres, en oubliant un laps de temps ses propres maux et turpitudes. Or, Dieu sait, qu’en avertissant ceux qui vont paraître prochainement comme le poulain choisi ou l’adversaire déclaré de Macky Sall, Birame Soulèye, qui n’est ennemi d’aucun Sénégalais, n’a fait que rappeler ici ceci : un homme averti chez Alassane Ouattara, mais trop tard, en vaut deux à temps chez Macky Sall, auprès de qui on n’est sûr de rien sur sa prochaine tactique, dans sa stratégie globale arrêtée de renoncer «officiellement» à sa candidature, alors qu’elle était sur le point d’aboutir. Une tactique bien rôdée dont il aime en parler pour faire savoir qu’il veut se maintenir au pouvoir.

Faut-il alors avoir tort de voir juste et différemment hors prismes admis ? Je ne le pense pas, car Birame Soulèye, parmi les hauts cadres du Pastef, président du groupe parlementaire de l’opposition Yewwi Askan wi, est aussi un jeune espoir comme Karim Wade ; et qui, même s’il manque d’expériences, a les yeux toujours ouverts sur ce monde qui nous cerne, et où, désormais, tout est possible en politique pour conserver le pouvoir de façon patrimoniale : asseoir une dynastie ou créer un Émirat.

Si cela n’est pas détestable, je ne vois pas ce qui pourrait l’être de plus. À part ravaler son propre vomi comme ce fût le cas en 2011, avec le fameux «ma waxon ma waxet» de Maître Abdoulaye Wade, candidat à sa propre succession en 2012. Et son remplaçant, fils politique agréé, n’irait pas par quatre chemins opour pantoufler son Mentor et asseoir la suprématie du «wax waxet», après avoir reconquis bien des cœurs au bord de le lâcher, suite à sa dernière sortie où il annonçait sa non candidature.

Tout est possible en politique pour conserver le pouvoir de façon patrimoniale : asseoir une dynastie ou créer un Émirat.

On peut donc dire que d’ici le 2 avril 2024 bien de scénarii sont à prévoir. Soit il peut revenir sur sa décision – car «tout change, tout évolue, seuls les imbéciles ne changent pas», pour reprendre Alpha Blondy, la star du reggae ivoirien, et faire du “wax waxet” une jurisprudence filiale wadéenne qui vaut auto-assumation en tant qu’homme responsable, comme tous ces non-alignés dont il serait un fans ; soit il peut rétrécir son mandat au soir du 31 décembre, et faire reculer de facto la date du scrutin présidentiel, pour faire court, mettre en place un exercice inédit de notre Constitution dont cette disposition qui n’a jamais eu l’occasion d’être appliquée, notamment à travers la succession immédiate par l’actuel président de l’Assemblée nationale, qui serait chargé d’organiser un nouveau scrutin l’incluant comme candidat accepté, vu qu’il a remis le mandat avant terme pour ne pas avoir à le consommer entièrement, et eu égard à sa parole première qui était d’appliquer la réduction du mandat à lui-même en ramenant son mandat de 7 ans à 5 ans.

Cela ne fût pas fait, expressément, de jure et de facto ; sinon, dès 2016, il aurait démissionné pour remettre les compteurs à zéro et passer de la Constitution de la 3ème République à une nouvelle inaugurant la quatrième République. Les cinq sages qu’il a consultés, lui ont fait savoir que leur institution ne reconnaissait pas les paroles faites de vœu pieu d’un homme sincère, mais dire le droit et rien que le droit est leur cahier de charges. C’est cela qui entérine le fait que la réduction du mandat présidentiel de 7 à 5 ans soit hors de portée de la révision et non que le mandat en cours des 7 ans soit exclu du décompte des mandats pratiqués et vécus comme celui en cours et celui qui l’a précédé. Cette entourloupe d’esprit a failli marcher. Mais ne pas avoir consulté d’abord les sept sages pour en avoir le cœur net, au lieu de commencer à porter en triomphe la candidature troisième pour un troisième mandat, n’a fait qu’annihiler les efforts et les cris d’orfèvre entendus ci et là, pour “éterniser” Macky Sall au pouvoir, ou du moins jusqu’à l’horizon 2035.

Le projet pastefien n’est donc que le puzzle reconstitué des plans machiavéliques de forces occultes tapies dans l’ombre

Ce projet aurait pu marcher s’il n’y avait pas eu l’affaire Sonko-Adji Sarr et l’affaire Sonko-Mame Mbaye Niang. Deux dossiers judiciaires qui ont fini de jeter le discrédit sur un homme, potentiel adversaire, sérieux et dangereux pour le bloc hégémonique constitué d’alliés et partisans du régime en place. Leur projet pouvait être adopté si l’esprit partisan trop prononcé et le goût pour les lambris dorés du pouvoir n’avaient pas creusé des tombes pour beaucoup qui craignent aujourd’hui d’y être tout bonnement enterrés.

Le projet pastefien n’est donc que le puzzle reconstitué des plans machiavéliques de forces occultes tapies dans l’ombre et œuvrant pour l’embrigadement des populations sénégalaises délaissées et rendues orphelines de conseils de prud’hommes, d’avocats, journalistes et pontes fonctionnaires du régime.

Non seulement, mais surtout militant à l’international pour la mise sous coupe réglée et l’accaparement dantesque des ressources naturelles et énergétiques du pays. Funeste équation fort heureusement très tôt dénoncée par des preux et valeureux patriotes, encore conscients de tout ce que le peuple doit à son génie ancestral dans tous les domaines de la science, de la religion et de la culture. En somme, notre histoire nationale où la vulgate raciste n’a pas sa place face au patriotisme économique, la préférence nationale, l’esprit nationaliste et l’engouement panafricain. Un Sénégal de tous par tous avec tous pour tous est bien possible à la condition de considérer que : «Sunu rew moko yoor, du kénen» (c’est le pays qui a la grâce, pas un autre). C’est le peuple souverain et légitime mandant qui est à féliciter, mais aussi, toutes les collectivités qui doivent déposer les armes et revenir en arrière, s’asseoir autour de la table de discussion.

«Sunu rew moko yoor, du kénen» (c’est le pays qui a la grâce, pas un autre).

N’est-ce pas là le principe du reculer pour mieux sauter que de signer une trêve, d’ouvrir une plage de discussion et entamer un dialogue franc, courtois, cordial et sincère ? Alors ne soyons pas étonnés que Macky Sall dissolve l’Assemblée nationale si cette condition sine qua non n’est pas au rendez-vous : à savoir qu’il soit interdit de compétition ou qu’il s’arroge ce droit à la compétition qu’on lui dénie. Et s’il persiste à se le reconnaître de lui-même pour lui-même et les siens, complètement abattus et attristés par sa décision singulière balancée dans le vent à l’attention des naïfs en politique, c’est son bon droit.

Mais, s’il se réserve une carte maîtresse qu’il compte exhiber à son heure choisie, il devra s’auto-convaincre qu’il a effectivement mûrement réfléchi avec conviction en annonçant qu’il renonce à une troisième candidature qui ne lui était pas hors d’atteinte. Ou donner des explications claires pour justifier qu’il n’a jamais abdiqué de ses souhaits premiers qui sont ceux des siens également de le porter à nouveau au pinacle du pouvoir pour un troisième mandat, et au mépris du texte constitutionnel. Une loi fondamentale dès lors bafouée et piétinée en toute impunité. Comme tous ces nombreux faits, gestes, paroles, actes, propos, écrits incendiaires qui ont concouru à donner à ce régime le visage qu’il s’est confectionné lui-même dans la cire du double langage. To be or not to be ? Élémentaire, mon cher Wadeson….

Par Khaly Moustapha LEYE

Chercheur universitaire (Sociologie)

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