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Affaire d’Etat ou no deal ? Il faut sauver le soldat Assimi Goïta *

CRISE MALIENNE -AFFAIRE D’ÉTAT OU NO DEAL  : Il faut sauver le soldat Assimi Goïta

*Par K. Moustapha LEYE (sociologue, free-lance, consultant-correcteur)  

Ce que les Maliens n’accepteront jamais de la France et de l’Union Européenne, sous les poussées de la Cedeao et de l’Uemoa-Bceao, aucun pouvoir n’a su mieux l’exprimer à haute et intelligible voix que ce régime de la Transition. Une transition dont les autorités non élues, mais désignées et nommées, sont conspuées par la France d’Emmanuel Macron et Jean-Yves Le Drian, lorsque leurs diplomates les qualifient de «junte militaire». Affaire d’État ou un No deal qui a du mal à passer ? Décryptage.  

En mai 2021, il n’était pas encore trop tard pour la France de se voir vouloir ramener IBK au pouvoir en enrôlant Bah Ndaw à sa place, avec un Moctar Ouane acquis à la cause, tout en renvoyant le même IBK aux calendes grecques où on avait aussi envoyé feu le Général Amadou Toumani Touré en 2012, déporté en exil à Dakar le 6 avril 2012. Voilà pour camper le débat. Comme qui dit chez nous, reprenons-le le conte de fée là où on l’avait tantôt laissé “feuillet de la Transition”. Donc on prend les mêmes et on recommence le film, on rejoue l’action. 

Les règles sont pourtant connues après un coup d’État comme ça semble être la norme en 2022, à savoir l’instauration d’un régime de transition faisant office d’autorités. Pourquoi, alors, le jeune capitaine Amadou Haya Sanogo n’avait pas été autorisé à asseoir un régime de transition ? Or il se vantait d’une poigne d’acier qui faisait croire qu’il était la réalité du pouvoir. Tel n’est pas le cas actuel avec Assimi Goïta. Parce qu’en son temps, il y avait le pouvoir réel de la chancellerie qui avait la haute main sur l’orientation du pays. L’insécurité est ainsi devenue un fonds de commerce où des profils désignés allaient servir de marchandises «chair à canon». Le nid d’oiseau (ambassade de France au Mali) du carré Square Patrice Lumumba n’est autre que le siège que surplombent des drones de surveillance : un vrai nid de coucou à vol d’oiseau et le centre névralgique de beaucoup de scènes vécues de la scène médiatique et politique maliennes.  

Cela ne datant pas d’aujourd’hui, de fil en aiguille, l’appétit venant en mangeant, Sanogo fut dépossédé de son pouvoir et mis au frais. D’abord transformé en objet de manipulation, en pantin et en clown avant d’être lâché, il a été remplacé par IBK – le parti de la légalité étant donné victorieux – qui paraissait plus répondre à leurs intérêts du moment les plus représentatifs au Mali en crise, et qui a besoin de sécurité et de stabilité. Discours, que des discours pour endormir la masse à qui on fait croire qu’on est là pour bien faire avec Serval, puis Barkhane et Takuba.  

Le quarteron de généraux et de militaires putschistes est écarté manu militari, la voie est donc libre pour dérouler cinq à dix ans en toute (il) légalité avec un régime plaisant. Au nom de la continuité de l’État, le premier coup d’État contre la Constitution de la 3ème République échoua par faute de plan de gestion à travers une transition réfléchie. Tel n’est pas le cas de cette transition dont il faut saluer le cran, le mérite et le motif fondé.  

Au moment où intervenait l’opération Serval, c’est l’exception Dioncounda Traoré qui avait permis d’obtenir en toute légalité l’acte de “déclaration de guerre” officielle contre l’armée malienne, en fin de compte. Ce qui n’a pas besoin d’être répété n’a pas été dit tout haut, cela s’entend. Secret militaire oblige. Toutefois, Serval arriva pour mettre la main sur l’Armée malienne, qualifiée de tous les noms de l’impuissance. Mais, comme par miracle, c’est ce même Assimi, qui se trouve là aujourd’hui à la place de Dioncounda et de Sanogo, d’IBK et d’ATT, qui a le plus vécu dans sa chair et de près ce que ses frères d’armes et compagnons d’unité ont dû subir aux durs moments de la guerre au Nord, par ascendance des forces locales constituées et alliées. On ne le dira jamais assez, le Mali n’a pas encore fait le deuil de toutes ses pertes en vie humaine au cours de cette longue tragédie. Tous ces affronts et pertes subis ne datent pas d’aujourd’hui et sont-là bien avant la naissance d’Assimi.  

L’exception Dioncouda Traoré  

D’abord par la fête de l’Armée le 20 janvier 1961 et tout ce qu’elle symbolise comme première libération – le départ du sol malien du dernier soldat français -, et suite à la séparation d’avec le Sénégal (fin de la Fédération du Mali), évènement national scellant la naissance du Mali nouveau. Ensuite, l’arrivée du franc malien en 1964 fut un autre défi relevé et passé avec succès, et dont les patriotes regrettent encore aujourd’hui la perte-concession de souveraineté qu’elle constitue pour nous, avec l’entrée dans le franc Cfa en 1984. On peut aussi citer la réforme de 1962, qui a permis d’asseoir les bases d’une école centrée sur le développement communautaire et productif, moule d’où on est tous sortis quasiment. Sans compter toutes ces industries sorties de terre, de 1960 à 1968, grâce à la vision pour l’essor économique du père de la Nation, Président Modibo Kéïta (qu’il repose en paix/PPL).  

Hélas, avec le premier coup d’État et les dérives d’une partie du régime, les effets de la sécheresse et du désastre économique né de la détérioration des termes de l’échange, emportèrent le Président Modibo Kéïta, héritier de Mamadou Konaté, 1er vice -président de l’Assemblée nationale française à une époque de la République française. Entre temps, l’armée qui était sur tous les fronts a connu deux guerres avec le pays voisin, la Haute Volta, puis devenu le Burkina Faso (même pays) sans compter le conflit au nord du pays qui a grandi entre temps. 

En 1991, cette armée complètement politisée, à l’instar des camarades de Thomas Sankara, s’empara du pouvoir en cherchant à s’interposer entre le parti au pouvoir qui cherchait à l’entraîner dans un charnier et le peuple des opposants qui voulaient des udépémistes pour victimes expiatoires. L’œuvre ne sera pas facile en 14 mois de transition, la première qu’a vraiment vécue le pays le 26 mars. Tous ces faits se sont passés. Assimi et ses compagnons avaient donc de la matière à méditer sur leur propre sort. Pour dire que notre armée, à l’image de ses chefs conscients et patriotes actuels, est résiliente et a pu développer des capacités de résistance qui donnent aujourd’hui des résultats face aux méthodes lâches des agents terroristes à la solde de leurs commanditaires. 

L’armée a évité la débâcle qu’on lui destinait en 1996, quand il s’est agi avec la flamme de la paix de récupérer et de brûler tant d’armes ramassées on ne sait où, de quelles mains, pour être consumées là par le feu, devant Jerry Rawlings président Ghanéen et Alpha Omar Konaré, président de la République, parrain de l’intégration des forces combattantes de l’Azawad dans l’Armée malienne. C’était encore une façon de ne pas faire la guerre. Et tout cela n’est rien à côté de ce qu’elle a failli vivre avec un militaire comme eux, en la personne de feu Amadou Toumani Touré. Avec la montée en puissance du lobby islamiste, du cartel des intérêts français et de la présence de pays dits à économie émergente (Brésil, Inde, Afrique du Sud, Maroc et Union européenne), le pays était partagé, l’armée était devenue le parent pauvre du budget national, manquant de tout, délaissée et livrée à elle-même dans la routine des missions et du quotidien. La voilà devenue une vraie armée de métier, épurée de la pléthore de généraux, caution-verrou de civil élu au suffrage universel au détriment du peuple électeur. C’est ce que nos jeunes officiers ont très vite compris : servir le peuple, mourir pour la nation sauvée.  

Cette audace de prendre le pouvoir ou première chance qu’elle a eu le 22 mars 2012 de posséder le pouvoir, elle l’avait vendangée occasion en recalant les élections prévues en avril, fiction à ses yeux, dans un pays où le président est en fin de mandat et où le conflit au nord a repris cours depuis le 23 mai 2006, quand elle fut attaquée à Ménaka C’est ainsi que cette jeune élite militaire, bien formée, aux yeux ouverts sur le monde, a compris son rôle, et l’assume en jouant sa partition à côté d’autres Maliens et Maliennes qui sont tous invités. Après la page malheureuse de l’épisode Sanogo, le pays empêtré dans des épreuves amplifiées et la crise protéiforme qu’il traverse, vit au rythme de l’histoire et fait l’histoire, en ayant ce rapprochement avec la Russie et la Chine, pour voir courir derrière des pays de l’UE hors tutelle française, trop expansive dans tous les compartiments de la diplomatie.  

L’armée était devenue le parent pauvre du budget national,  

L’armée a opéré sa mue, sa catharsis étant effective, elle mène tranquillement sa révolution sans tambour battant. La loi d’orientation militaire aidant, et ses nouveaux équipements et matériels, appareils acquis, malgré les embargos multiples contre le Mali, elle s’est renforcée en effectif et la voilà aguerrie et bien déterminée, plus mature que jamais pour conserver, ne pas durer au pouvoir et éviter les contrecoups d’État pour pouvoir rendre le pouvoir à la fin de l’agenda électoral. Il lui reste d’arrimer en effet l’État de droit à la marche et au fonctionnement de l’État et des institutions, dont l’administration. Dans cette avancée, l’armée renforcée de civils compétents et acquis à la cause de l’intérêt général constitue forcément un cinquième pouvoir au service des quatre autres au-dessus qui participent à la bonne gouvernance.  

Ainsi le choix de la lutte impitoyable décrétée contre les corrompus, les malades d’argent et amateurs de pots de vin, dessus de table et concussion. Finalement, comment une Transition, qui a manqué d’être en 2012, avec une armée qui a subi les affres de l’illégalité de 2013 à 2018, avec des détournements confirmés sur son dos, a pu prendre son destin en main et les préoccupations des Maliens en charge en 2019, puis de 2020 à 2021, pour être toujours là aujourd’hui en 2022 ? Une armée de métier plus responsable que le Cmln, le Cnr et le Cnrdre réunis.  

C’est une seconde chance qu’elle a, pour entraîner dans sa mue révolutionnaire, avec cap et direction, vers une destination appelée État de droit, Droits humains, Démocratie et République, toute une jeunesse, toute une vieillesse, toute une génération, toute une nation. Au sortir d’élections crédibles et transparentes irréfutables par les Observateurs de la Cedeao-Uemoa, de l’Ua-Oci et de l’Ue-Un.  

Les sillons sont déjà tracés et le silence en dit long sur la charge lourde assumée par Assimi Goïta, Monsieur le chef de l’État. Un silence complet qui parle plus que ces discours, l’essentiel étant d’amener des résultats, de réussir des challenges, de relever des défis et d’affiner ses objectifs, car les chiffres parlent d’eux-mêmes. L’insécurité sera vaincue et la guerre prendra fin, le Mali subsistera toujours. Autant faire sa part de boulot et passer son chemin tranquille. Parce que le Mali est un pays souverain dans le concert des nations comme le Pakistan et la Malaisie, même si avec ou sans Bombe atomique. Mais on est respecté et se respecte. On mérite de respect, les FAMA AVANT TOUT ! Vive le Mali en avant ! «An bè ñè, anté Ko». 

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