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Reporter la présidentielle mettrait le Sénégal face à un danger extrême (Khalil Guèye)

Bienvenue sur le Guèye Report. Depuis quelques jours des membres de l’opposition et de la coalition au pouvoir semblent, comme dans un accord tacite, travailler l’opinion sur la nécessité du report de l’élection présidentielle. Très mauvaise idée, car reporter l’élection présidentielle mettrait notre pays face à un danger extrême. En effet personne ne peut rien, vraiment absolument rien contre, l’inéluctable cycle des 20 ans qui organise la marche de notre nation dans l’histoire du monde depuis l’indépendance. Tenez : le président Senghor a exercé sa vision et sa politique pendant une vingtaine d’années, de septembre 1960 à décembre 80. Le président Diouf a appliqué sa vision et sa politique pendant une vingtaine d’années, de janvier 81 à avril 2000. Et la vision politique libérale du président Wade qui continue encore au pouvoir aurait dû se terminer ou renaître suite à une élection, une vingtaine d’années après l’alternance. C’est-à-dire en 2021. Mais nous savons tous d’où nous viennent les années supplémentaires qui nous projettent en 2024.

Le calcul est simple : nous constatons donc que notre nation suit forcément un cycle de vie de changement inévitable tous les 20 ans. D’ailleurs, vous remarquerez avec moi que ces années qui ont prolongé la présence libérale à la tête de notre pays ont été chaudes. Pour les populations certes, mais aussi pour l’État et pour l’administration. Remarquez que mars 2021, c’est-à-dire le mois qui devait marquer les résultats de l’élection qui aurait dû avoir lieu est venu avec ses tragédies. En effet, le moment venu, le cycle s’impose coûte que coûte. Alors reporter la présidentielle risque de nous faire vivre des mois de tension extrême causée par deux réalités. Primo : le retour de flamme de la tentative d’étouffer ce tour têtu du cycle de 20 ans. Secundo : le sentiment extrêmement rejeté du retour à cette notion vomie et impopulaire de 3e  mandat ou de 2e quinquennat.

Cette élection présidentielle est fortement attendue par la majorité de jeunes, la plupart d’entre eux membre de la Gen Z c’est-à-dire la génération Z. Une génération incomprise par les hommes politiques et qui passe pour la génération la plus complexe aujourd’hui dans tous les pays du monde. Elle a entre 11 et 25 ans, et chez nous elle tapisse le système éducatif du primaire à l’université. Dans la vie de tous les jours elle est présente dans les foules des stades et des arènes de lutte, dans la masse des sans-emplois et partage les idées et sentiments du groupe dur de notre société qui ne croit plus en rien de ce que toute autorité puisse lui promettre. Elle ne craint ni la mer ni le désert pour quitter le pays et aller ailleurs forger un meilleur avenir. Elle est exigeante, libre dans ses choix, et couverte de l’armure de l’internet qui répond à ses préoccupations mieux que les parents, souvent mieux que l’école, et qui lui donne aussi la musique de ses stars préférées. L’internet est donc au cœur de cette génération qui veut et qui va répondre à l’appel de ce cycle des 20 ans. Mais voilà qu’on lui pompe l’air en lui coupant l’internet, en affaiblissant la bande passante, la privant aussi de TikTok de Facebook de Snapchat et d’Instagram.

Le Gouvernement et l’opposition savent-ils vraiment que la majorité des jeunes qui composent notre population sont une véritable génération triste qui essaie de vivre avec des photos et des vidéos joyeuses partagées sur le net pour vaincre leur spleen, comme dirait Charles Baudelaire ? Leur couper l’internet a été une grosse erreur car c’est leur faire très très mal. Leur couper l’internet les a braqués davantage contre toute autorité politique et administrative qui pour eux gâchent leur rêve, par méchanceté gratuite, pour ensuite les détruire dans le vent digital. Alors si ces jeunes si frustrés et animés par le cycle des 20 ans de notre pays voient l’élection présidentielle reportée, s’ils voient tout sembler s’écrouler et ne voient devant eux aucun programme qui semble aller dans le sens de ce qu’ils veulent, s’ils voient que tout risque de leur échapper encore, et bien attendons-nous à ce qu’il fassent tout pour quitter cet environnement briseur de rêve et ,s’il restent pour l’élection présidentielle, attendons-nous à ce qu’ils vendent très très cher leur vote à l’opposition comme au pouvoir. A bon entendeur, salut.

Khalil Gueye in The Gueye Report

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