Sénégalaise, Sénégalais ! J’attire votre attention sur l’avenir de chacun de nous, sur l’avenir d’un secteur qui m’est cher, celui du tourisme, pour nous engager ensemble à relever le défi face à la Covid-19. Je vous appelle à réfléchir et à vous intéresser sur le devenir du secteur du tourisme et des transports aériens.
Le tourisme est la première industrie au monde créatrice d’emplois, de richesse et de bien-être social. C’est un secteur économique très dynamique et résilient face à tous les chocs exogènes et endogènes liés à son fonctionnement économique.
Mais, ce qui vient de se passer avec la Covid-19 va radicalement changer l’approche politique, économique et commerciale du tourisme, qui reste malgré tout un puissant levier de développent pour nos pays. C’est sans doute l’occasion de réfléchir à la régulation d’un tourisme globalisé qui a eu ses avantages :
– Démocratisation et mondialisation des voyages ;
– Développement économique de nombreux pays dans le monde grâce au secteur du tourisme.
Cependant, malgré le pessimisme des acteurs du tourisme face à cette situation inédite, la Covid-19 constitue à mes yeux une opportunité pour un nouveau tourisme, plus responsable, plus durable, respectant davantage le patrimoine naturel et culturel, et qui promeut des activités plus proches de chez soi.
L’avenir n’est donc peut-être pas si sombre pour peu que l’on repense le tourisme autour de l’humain et de l’environnement qui constitue sa principale richesse. A mon avis, il y a pourtant matière à espérer que le tourisme ne sera pas mort pour deux raisons. La première est que le secteur touristique a toujours su trouver des solutions pour répondre aux crises, si dures soient-elles, et satisfaire ainsi une clientèle qui ne perd pas le goût des vacances. Les professionnels vont désormais redoubler d’efforts pour séduire la clientèle nationale devenue sa principale cible et qui sera très attentive aux offres touristiques qui les séduit. La seconde raison est évidemment la formidable richesse touristique de notre pays qui dispose d’atouts incontestables aux premiers rangs desquels figurent la diversité des lieux historiques et la qualité de vie et des infrastructures touristiques que nous pouvons redécouvrir.
Il faut, cependant, s’attendre à la faillite de certaines compagnies aériennes et la suppression de certaines liaisons qui pourraient hypothéquer l’avenir de toute une destination si celle-ci n’a pas un plan de redéploiement du tourisme local et national à travers des packages et des offres d’excursions adaptées à leur budget.
Pour être créatif, il faut simplifier et rendre plus accessibles les formules de vacances et de séjours dans les hôtels et campements par des coupons de vacances, des bonus consacrés aux vacances et des crédits de vacances conventionnés par les banques. C’est de là que naîtront les nouvelles formes de tourisme qui vont soutenir la viabilité des entreprises hôtelières. A défaut, c’est une impossibilité absolue pour un hôtel de garder du personnel sans avoir des clients ni d’activités.
Si la situation de la Covid-19 perdure dans le monde et chez nous, les hôtels seront bientôt des endroits fantômes et la situation sera très grave puisqu’il faudra s’attendre, qu’on le veuille ou non, à des conséquences sociales graves, à savoir : le chômage technique total ou pire.
La situation est extrêmement grave mais pas désespérée. Elle exige des mesures énergiques suivies d’un plan Marshall pour optimiser et garder l’outil de production. Le tourisme local ou tourisme de proximité, va être la seule alternative, pour redonner vie au secteur du tourisme le temps que l’ordre mondial du tourisme instaure une nouvelle politique et des règles sanitaires rigoureuses pour anticiper de futures maladies transmissibles.
Cependant, une chose est certaine, les Sénégalais ne se pressent pas pour visiter les nombreux sites touristiques dont regorge le pays, donc des efforts sont à consentir dans ce sens en tenant compte de plusieurs facteurs sociaux, culturels et économiques.
Pour ce faire, l’État doit soutenir le tourisme scolaire, éducatif, historique et de découverte à travers des voyages d’études, des colonies de vacances, des séminaires pour joindre l’utile à l’agréable. Cela suppose une réorientation de l’investissement hôtelier pour favoriser les campements, les gites, les maisons d’hôtes, les restaurants de campagne, la création d’équipements de loisirs, les centres culturels, les mobiliers et jardins publics… Le crédit hôtelier et touristique devra élargir son assiette, rendre plus souples, plus rapides et plus accessibles les crédits à allouer aux nationaux, avec une discrimination positive pour ceux et celles qui investissent en tenant compte des objectifs et des résultats attendus du Pse.
Et ce sera l’avènement du grand retour des populations vers leurs régions, départements et villages, pour répondre aux besoins du tourisme local, de la décentralisation et de l’auto emploi. Petits commerces, restaurants de campagnes, spécialités sénégalaises, horticulture, artisanat, agriculture, aviculture, faire du consommer local une réalité et la locomotive du développement du tourisme.
Chemin faisant les populations se rendront à l’évidence que le tourisme n’est pas qu’une activité de loisirs et de jouissances. Il est un business, une industrie culturelle, une dynamique économique de 400 milliards de FCfa, avec une participation de 7,5 % au Pib, plus de 100.000 emplois fixes et 21.000 emplois temporaires qu’il faut certes assainir et repenser, mais surtout co-construire avec un secteur privé fort dans la durée, avec l’auto- emploi et la création de micro-entreprises. Voilà pourquoi on le définit, par ailleurs, par son aspect transversal, catalyseur d’un ensemble d’activités économiques, sociales et culturelles. Ce qu’il faut aussi savoir, c’est que l’activité touristique résulte de la mise en mouvement d’un grand nombre d’éléments et de partenaires locaux et internationaux : sites naturels, conditions climatiques, attractions et équipements touristiques, hébergement, informations, transport et mise en marché, professionnels. Divers revenus sont disponibles et le choix des clients, aussi vaste et varié à chaque situation, permet de cibler une clientèle particulière avec des espaces et des territoires à visiter.
Tout cet ensemble forme le tourisme et il est évident qu’il doit s’appuyer sur une économie florissante diversifiée qui promeut l’agriculture rurale et urbaine, des produits maraîchers bio, sous toutes ses formes, avec de bons revenus pour les travailleurs afin qu’ils aient les moyens de faire du tourisme local.
Une chose est certaine, les professionnels de la chaine de valeur devraient eux aussi participer à l’effort collectif en appliquant hors saison des tarifs spéciaux aux nationaux.
Par Mouhamed Faouzou Dème
Expert en tourisme
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