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Pourquoi BP a-t-elle rétrocédé ses parts… (Par Zaynab Sangaré)

Une nouvelle valsant entre leurres et lueurs : Pourquoi la compagnie BP a-t-elle rétrocédé ses parts à quelques mois des premières productions ?

Bien garnie de lueurs d’espoir, c’est une nouvelle réjouissante qui a été relayée aux Sénégalais, annonçant : suite à la renonciation totale, par BP, du bloc offshore profond (COP), la Société des pétroles du Sénégal (Petrosen) sera bientôt le partenaire majoritaire de la future association devant exploiter les gisements gaziers de Yakaar et Téranga. Avec son impact futur sur la vie des populations, réduction des coûts de l’électricité, du gaz, des produits industriels, du transport, nouvelle ne pouvait être réjouissant en cette période de crise. Mais à l’analyse, des questions sans réponses tempèrent les ardeurs : « Pourquoi la compagnie britannique BP a-t-elle rétrocédé ses parts à quelques mois des premières productions, après d’énormes investissements et le début de sa 2e phase d’exploitation? »

Avec le recul la « bonne nouvelle valse entre « leurres et lueurs »

Selon réjouissante nouvelle qui a été relayée et débattue avec certains experts, la renonciation de la compagnie britannique BP s’accompagne d’un transfert du rôle d’opérateur à Kosmos et du transfert de ses intérêts (60%) aux deux entités restantes dans l’association (Petrosen et Kosmos), au prorata de leurs participations respectives, soit 15% pour Petrosen et 45% pour Kosmos.

Mais, toujours d’actualité avec des questions toujours sans réponses, l’exploitation du pétrole et du gaz a suscité une forte polémique au Sénégal au tout début avec le scandale de Petrotim qui fut dénoncé par BBC et l’organisation Transparency international qui avait demandé des enquêtes qui ne sont toujours pas faites.

Pour rappel, le projet gazier (dont le nom est GTA), le consortium est composé du géant britannique BP, de Kosmos Energy (Etats-Unis) et des sociétés nationales des deux pays concernés, Petrosen (Sénégal) et la Société Mauritanienne des Hydrocarbures (SMH).

Les participations de BP sont de 60% au Sénégal et de 62% en Mauritanie. Celles de Kosmos sont de 30% et de 28% respectivement. Les intérêts de Petrosen au Sénégal et de la SMH en Mauritanie sont de 10% chacune. Pour le projet pétrolier, la compagnie australienne Woodside Energy détient une participation de 82% en association avec Petrosen (18%). BP et Woodside sont les opérateurs de ces deux projets, c’est-à-dire les leaders.

Parlant de la production, pour le pétrole, la production serait de l’ordre de 100 000 barils par jour en phase de plateau, soit environ 5 millions de tonnes par an. Pour le gaz, le projet sera réalisé en phases. A l’issue de la première phase, en 2023, la production de gaz naturel liquéfié (GNL) sera de 2,5 millions de tonnes par an. Elle pourrait atteindre 10 millions de tonnes/an à terme.

Retour sur le tollé né des présumées transactions suspectes

«Les autorités d’au moins six pays devraient ouvrir une enquête sur des transactions suspectes concernant deux importants blocs pétroliers au large des côtes du Sénégal », a réclamé Transparency International. L’Organisation soutenait que « compte tenu de la réticence apparente des autorités sénégalaises à mener une enquête approfondie et à demander des comptes aux responsables, il est essentiel que les informations disponibles soient rapidement examinées par les autorités des pays qui ont compétence sur cette affaire : l’Australie, la Roumanie, la Malaisie, Singapour, le Royaume-Uni et les États-Unis. » Pourquoi ?

Parce qu’en 2019, des enquêtes indépendantes menées par l’Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) et BBC Africa Eye ont révélé des détails jusqu’alors inconnus entourant la vente en 2012 des droits de concession des blocs offshore Deep St. Louis et Deep Cayar, situés au large des côtes du Sénégal. Ces révélations mettent en cause le président actuel du Sénégal, Macky Sall, son frère, Aliou Sall, et le fils de l’ancien président Abdoulaye Wade.

Les rapports accusent l’homme d’affaires roumano-australien controversé Frank Timis d’avoir soudoyé des fonctionnaires sénégalais afin d’obtenir l’accès à des réserves lucratives de pétrole et de gaz à des conditions extrêmement favorables. Selon ces mêmes rapports, son partenaire commercial Eddie Wong, qui détient des passeports de Malaisie et de Singapour, aurait facilité certaines de ces connexions et serait venu représenter les sociétés de Timis au moment de la vente. Timis a nié tout acte répréhensible.

La publication de ces enquêtes a entraîné des manifestations au Sénégal. En réponse à la pression publique, le frère du président, Aliou Sall, avait démissionné de ses fonctions publiques, mais rejeté les allégations selon lesquelles il aurait reçu des paiements secrets. L’enquête sur le rôle d’Aliou Sall a abouti à un non-lieu en décembre 2020.» C’était la position de Transparency international.

Qu’est-ce qui a changé ?

Depuis, l’or noir a poursuivi son parcours avec plusieurs jalons dans les trois blocs le Greater Tortue Ahmeyim (GTA) qui est composé de Petrosen, la compagnie nationale, British Petrolium (Bp) et cosmos qui exploitent que du gaz.

Le bloc Sangomar qui est composé de Woodside Petrosen qui exploite du pétrole associé, c’est à dire du pétrole et du gaz. Et le troisième bloc qui est le Yakkar Teranga composé de BP, Petrosen et cosmos) qui exploitent aussi que du gaz. Il faut noter que le projet pétrolier est important mais le projet gazier est très important vu la qualité du gaz découvert et sa quantité.

Quand BP projetait jusqu’à 2 800 milliards de mètres cubes de gaz naturel.

Les ressources gazières récupérables sont estimées à environ 420 milliards de mètres cubes, ce qui est déjà très important. Pour mieux s’en rendre compte, on peut comparer ce chiffre à la consommation gazière de l’ensemble du continent africain en 2020. Celle-ci était de 153 milliards de mètres cubes, selon la BP Statistical Review of World Energy publiée en juin 2021. Le projet pourrait, donc, et en théorie, couvrir toute la consommation gazière de l’Afrique pendant un peu moins de trois ans.

BP n’excluait pas que la zone puisse contenir jusqu’à 2 800 milliards de mètres cubes de gaz naturel. Mais il faudra plus d’exploration pour confirmer ou infirmer une telle évaluation. Avait-elle affirmé. Ce qui est certain, d’ores et déjà, c’est que le potentiel confirmé est suffisant pour lancer un très gros projet gazier. C’est l’une des raisons clés qui a fait que BP, la troisième plus grande compagnie pétrolière privée dans le monde après ExxonMobil et Royal Dutch Shell, soit entrée dans ce projet et qu’elle ait pris la direction des opérations.

Pourquoi ce retrait à quelques mois des « premières récoltes » ?

Avant-hier, Petrosen publié un communiqué où nous avons noté le désistement de la compagnie britannique sur le bloc Teranga Yakkar au profit de Petrosen et d’une autre entreprise inconnue présentement. Cette situation nous amène à poser la question: Pourquoi BP s’est retirée ? Essayons le décryptage d’une décision « murie »

Dans le même communiqué de Petrosen on peut noter une cause légèrement évoquée qui est un désaccord avec l’état du Sénégal par rapport à la stratégie (divergence de vue). Plus haut nous avons bien rappelé que la stratégie du Sénégal qui a toujours été une liquéfaction de la majeure partie du gaz puis son exportation vers le marché mondial.

Les revenus issus de cette production devraient être utilisés pour financer les projets phare du PSE, et l’autre partie de la production pour le projet «Gaz to power» (l’utilisation du gaz pour alimenter les centrales électriques locales). Selon l’Etat du Sénégal le gisement de Yakkar Teranga devrait satisfaire les besoins en gaz du marché domestiques à partir de 2024, ainsi le coût de l’électricité serait en baisse de 50%. Alors le désaccord nuancé du communiqué de Petrosen mérite d’être soulevé.

Après Petrosen, nous avons eu aussi un autre communiqué de Cosmos d’un concept de développement actuellement envisagé qui est un développement offshore produisant environ 550 millions de pieds cubes standard de gaz par jour, le gaz domestique étant transporté par gazoduc jusqu’à la côte et les volumes d’exportation étant liquéfiés sur un navire GNL flottant. Il affirme qu’ils vont contribuer aussi à l’objectif du Sénégal de fournir un accès universel et fiable à une énergie à faible coût et la vision du financement des programmes du PSE.

Cette situation complexe nous laisse très perplexes car jusqu’ici nous ne pouvons comprendre le désistement de la compagnie britannique qui avait adopté cette même vision.

Nous avons essayé d’avoir les responsables de la compagnie britannique, qui, au téléphone puis par mail, ces derniers affirment qu’ils n’ont pas encore établie une communication sur cette situation mais promettent de nous revenir par rapport aux questions qui sont les suivantes: les raisons qui ont motivé cette décision de BP ainsi que les détails sur la cession de ses parts à Kosmos. De plus, obtenir un rapport ou des informations détaillées sur le bilan de BP depuis son implantation au Sénégal.

Un autre facteur important qui pourrait aussi être la cause de ce désistement subite pourrait être la mauvaise entente entre Cosmos et BP notée récemment sur Reuters «Kosmos Energy KOS.N a déclaré lundi que le démarrage du projet gazier Greater Tortue Ahmeyim (GTA) au large du Sénégal et de la Mauritanie, opéré par BP, pourrait être reporté au deuxième trimestre 2024.

Pas signes annonciateurs d’un désaccord ou d’un possible retrait de BP

La semaine dernière, BP a déclaré que « le projet était achevé à 90 % et qu’il devrait commencer à produire au premier trimestre, un peu plus tard que prévu à l’origine après que BP a remplacé le contractant pour son système de pipeline sous-marin. »

« Le FPSO () pour le projet GTA est en route vers le champ et devrait arriver au premier trimestre de l’année prochaine », a déclaré Kosmos dans ses résultats du troisième trimestre. Kosmos a précisé que la date de démarrage de la production dépend maintenant de l’arrivée, du raccordement et de la mise en service du FPSO ainsi que de l’installation flottante de gaz naturel liquéfié (FLNG).

“La livraison du premier gaz au premier trimestre 2024… dépend de l’exécution de ce chantier, qui a le potentiel de glisser jusqu’au deuxième trimestre 2024”

BP a refusé de commenter cette mise à jour de Kosmos.

Pourtant c’est elle qui détient une participation de 56 % dans le projet GTA, tandis que Kosmos détient une part de 26,8 %. Et la phase 1 du projet produira 2,5 millions de tonnes de GNL par an. Et récemment ce 27 février 2023, la compagnie britannique avait annoncé le démarrage de la prochaine étape d’évaluation du concept de la phase 2 du projet Grand Tortue Ahmeyim (GTA) avec une capacité de avec une capacité totale comprise entre 2,5 et 3 millions de tonnes par an.

Ces avancées annonciatrices des prochaines retombées ?

Au fil du temps beaucoup d’avancées ont été notées dans l’exploitation de ces ressources extractives. Des chiffres ont été publiés et l’Etat du Sénégal s’en glorifiait avec à côté des économistes qui ont toujours refoulé l’idée que cette nouvelle richesse puisse changer la vie des sénégalais lambdas.

Le mercredi 9 mars, le président sénégalais Macky Sall avait reçu en audience Gordon Birrell, le vice-président exécutif de BP pour la Production et les Opérations et Massaer Cissé, Vice-président et Directeur pays pour le Sénégal en présence de la ministre de l’Energie d’alors.

Les responsables avaient expliqué à nos gouvernants que le développement du projet gazier Grand Tortue Ahmeyim (GTA) est achevé à plus de 70 %. Les échanges étaient également porté sur les opportunités de croissance offertes par le projet, y compris les efforts pour faire progresser la prochaine phase de développement, dénommée GTA 2.

Un communiqué de la société a précisé que les parties ont également évoqué la mise en œuvre d’un projet Gas-to-power, à partir du champ Yakaar, situé dans le bloc Cayar Offshore Profond. Grâce à son potentiel, il devrait permettre au pays de sécuriser une partie importante de son approvisionnement électrique pour « les décennies à venir ».

« Nous travaillons, avec nos partenaires de GTA à la livraison, en toute sécurité, du premier gaz et au développement de la phase 2 du projet. Conformément à notre stratégie résiliente en matière d’hydrocarbures, nous continuons également à rechercher des opportunités pour optimiser Yakaar Teranga qui représente une opportunité importante et passionnante pour fournir de l’énergie domestique au Sénégal et remplacer les formes d’énergie à plus forte intensité de carbone du secteur de l’électricité. », avait affirmé Gordon Birrell.

Une rétrocession troublante à quelques mois des premières retombées…

Dans le monde des affaires, il est inimaginable de voir un géant qui évolue depuis plusieurs décennies dans ce secteur investir des milliards de dollars dans un projet étudié à fond, décrypté par ses experts, rétrocéder ses actifs après plusieurs années, à quelques encablures des premières retombées.

Alors pourquoi la compagnie britannique, BP, la troisième plus grande pétrolière privée dans le monde après ExxonMobil et Royal Dutch Shell, qui est entrée dans ce projet et a pris la direction des opérations durant toutes ces années décide-t-elle de renoncer et de transférer son rôle d’opérateur à Kosmos à quelques mois des premières retombées… ?

Nous y reviendrons plus en détails avec d’autres avis et éclairages d’experts du secteur du pétro-gazier…

Zaynab SANGARÈ

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