La rencontre organisée entre Donald Trump et les deux chefs d’États de la RDC et du Rwanda a été annoncée sous le signe de la pacification de la sous-région. Officiellement, il s’agissait de promouvoir la stabilité des Grands Lacs, d’aplanir les tensions et de soutenir une nouvelle ère de dialogue entre Kinshasa et Kigali.
Mais comme souvent dans l’histoire géopolitique de l’Afrique, les objectifs affichés ne sont jamais les seuls en jeu.
Très vite, au-delà des discours diplomatiques, un autre agenda s’est dessiné : celui des ressources stratégiques. Dans une époque où les technologies de pointe (batteries, intelligence artificielle, véhicules électriques, défense) reposent sur des minerais rares comme le cobalt, le coltan, le germanium ou le lithium, le sol africain apparaît, encore une fois, comme une terre indispensable au progrès mondial.
Et dans ce domaine, la RDC est un géant silencieux : elle concentre à elle seule plus de 60 % du cobalt mondial, ainsi qu’une part essentielle des terres rares utilisées dans l’industrie américaine. La réunion n’est donc pas seulement politique : elle est stratégique, économique, et profondément géopolitique.
Un agenda économique caché derrière la paix
Derrière les appels à l’apaisement, plusieurs éléments laissent entrevoir un autre objectif
• assurer aux entreprises américaines un accès privilégié aux minerais congolais.
Les contrats en préparation ne portent pas uniquement sur la sécurité ou la coopération militaire.
Ils s’orientent majoritairement vers :
• l’extraction industrielle des minerais stratégiques,
• la construction d’infrastructures minières,
• la réhabilitation des routes et rails permettant l’acheminement vers l’Angola,
• l’évacuation rapide des minerais vers les États-Unis, via les ports angolais modernisés par des firmes américaines.
Autrement dit, l’essentiel des investissements ne vise pas la vie quotidienne des populations, mais la fluidité logistique de la chaîne d’approvisionnement mondiale.
Un impact faible sur les populations locales
À première vue, l’arrivée des investisseurs étrangers pourrait laisser espérer des retombées positives pour les économies nationales.
Mais comme souvent, le paradoxe africain se répète : des territoires immensément riches qui abritent des populations parmi les plus pauvres du monde.
Pourquoi ?
Parce que les infrastructures construites ne servent ni à :
• améliorer les routes intérieures,
• renforcer les services publics,
• industrialiser les pays,
• créer des chaînes de valeur locales.
Elles sont orientées vers l’extraction et l’exportation directe.
Elles créent peu d’emplois qualifiés.
Elles ne transforment pas l’économie.
Elles ne brisent pas le modèle rentier imposé depuis des décennies.
Ainsi, la même histoire se répète.
L’Afrique demeure un réservoir de matières premières plutôt qu’un acteur du progrès technologique mondial.
Une table à manger où les puissances viennent se servir sans laisser de véritables bénéfices aux convives africains.
Une Afrique fragmentée face à un monde organisé en blocs
L’un des facteurs qui entretient cette situation est la fragmentation politique du continent.
Alors que :
• l’Europe s’organise en Union,
• l’Amérique du Nord en blocs commerciaux intégrés,
• l’Asie en alliances économiques puissantes,
l’Afrique reste divisée en une mosaïque d’États souvent isolés dans la négociation.
Chacun cherche des alliances bilatérales, souvent asymétriques, face à des géants économiques qui ont des stratégies beaucoup plus structurées.
C’est cette fragmentation qui permet encore :
• des contrats déséquilibrés,
• des partenariats qui profitent davantage aux multinationales qu’aux populations,
• des pressions géopolitiques qui maintiennent le continent dans un rôle secondaire.
L’avenir du continent ne pourra être différent que si l’Afrique adopte la logique des grands ensembles, comme l’ont fait d’autres régions du monde.
Seule une voix collective (économique, politique et stratégique) peut rééquilibrer les rapports de force.
L’Afrique au cœur mais jamais au centre
La rencontre entre Trump, la RDC et le Rwanda n’est qu’un épisode de plus dans une histoire géopolitique où l’Afrique se trouve au cœur des enjeux mondiaux, mais rarement au centre des décisions. Le monde dépend des richesses africaines. Mais l’Afrique, elle, ne bénéficie toujours pas de leur transformation.
Le véritable enjeu pour le continent n’est pas seulement d’obtenir des contrats plus justes, mais de changer sa position dans l’ordre mondial : devenir productrice de valeur, et non plus simple exportatrice de matières premières. Construire des blocs puissants capables de négocier d’égal à égal. Et s’assurer que la pacification des régions ne serve pas seulement à sécuriser les minerais, mais à améliorer la vie des peuples.
Tant que l’Afrique restera une terre convoitée mais pas écoutée, les réunions de paix continueront d’avoir des arrière-goûts d’appétits industriels.
Cri de cœur d’un Africain
