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Médiation africaine dans la crise russo-ukrainienne : les paradoxes de Saint-Pétersbourg et de Leontief (Pr Abou Kane)

Des présidents africains (Sénégal, Afrique du Sud, Comores et Zambie) sont à KIEV ce 16 juin et seront à Saint-Petersbourg (ville Russe) le 17 pour une médiation. Si l’Afrique, ce continent célèbre dans les médias internationaux pour ses conflits internes et fratricides fait de la médiation entre deux frères voisins européens, c’est un scoop.

✍️ Définition des paradoxes

En économie, le paradoxe de Saint-Petersbourg, étudié en théorie de la décision, traduit l’idée selon laquelle un individu préfère obtenir un gain faible mais sûr, plutôt qu’un gain élevé mais incertain et risqué.
C’est la raison pour laquelle un agent rationnel ne met jamais tous ses œufs dans le même panier; il diversifie. C’est dans la ville de Saint-Petersbourg (en Russie) que cette idée a été présentée pour la première fois lors d’une conférence scientifique en 1738.


Quant au paradoxe de Leontief, du nom d’un économiste américain d’origine russe, il traduit le fait que les pays industrialisés exportent plus de produits intensifs en main d’œuvre que de produits intensifs en capital financier. Pourtant leur niveau de développement pourrait faire penser à l’inverse.

✍️ Pourquoi y a t-il ces deux paradoxes ?

Pour revenir à la médiation des présidents africains, on sait que malgré les « pressions » des américains et des européens, les africains n’ont pas voulu se mettre à dos la Russie, qui est un allié de la Chine et de la Turquie qui sont des partenaires privilégiés de l’Afrique.

Si les chefs d’Etat africains s’opposaient frontalement à la Russie, ils pourraient certes faire plaisir aux occidentaux mais ils savent qu’ils auraient en face la Chine, la Russie et la Turquie. Or ces pays font une remontée spectaculaire dans les échanges commerciaux avec l’Afrique et dans les investissements à destination du continent. Tous ces acquis pourraient être perdus alors que les gains liés à un éventuel alignement sur les positions des USA et de l’UE sont incertains.

En définitive on peut comprendre l’attitude équilibriste des chefs d’Etat africains qui préfèrent « prendre un peu de partout » plutôt de que de rompre des relations avec un bloc (Russie, Chine, Turquie) pour se ranger derrière un autre bloc (USA, UE) dont l’apport est incertain. Cela est conforme à la définition du paradoxe de Saint-Petersbourg qui veut qu’on préfère petit montant certain à un gros montant incertain. Comme par hasard, les chefs d’Etat ne vont pas à Moscou mais à Saint-Petersbourg.


Le paradoxe de Leontief tient ici au fait que l’Afrique qui est le continent où il y a plus de guerres et de coups d’Etat, est en train d’exporter de la paix et de la diplomatie à travers cette médiation. Le « consommer local » pendrait tout son sens si ces démarches envers la Russie et l’Ukraine pouvaient donner des solutions aux crises africaines.

Pr Abou KANE
FASEG/UCAD

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