La décision rendue par la Cour Suprême ce vendredi 12 décembre 2025 marque un tournant historique et salvateur pour le droit des médias au Sénégal. En annulant les « arrêtés » du ministre de la Communication, des Télécommunications et du Numérique, Alioune Sall, la plus haute juridiction administrative du pays a non seulement arbitré le conflit latent entre le ministère et les acteurs de la presse (représentés notamment par le CDEPS), mais elle a surtout renforcé le socle de l’État de droit.
L’enjeu de cette décision est capital. Il ne s’agit pas d’une simple victoire procédurale, mais d’une clarification fondamentale des rôles entre l’administration d’une part, et les organismes de régulation (CNRA, ARTP) et les professionnels des médias d’autre part. Le titre du quotidien Sud Quotidien de ce 12 décembre 2025 résume parfaitement l’onde de choc : la Cour Suprême « freine la tutelle ».
Dégât juridique et abus de pouvoir
L’annulation par la chambre administrative de la Cour Suprême trouve sa source à travers des lacunes réglementaires et le fait que les actes attaqués étaient « entachés de nullité et d’effet nul ». Cette annulation frappe plusieurs dispositifs essentiels créés et imposées par le ministre, notamment :
– La plateforme administrative d’identification des médias
– La commission de validation des entreprises de presse.
– Les décisions et textes réglementaires concernant le FADP (Fonds d’Aide et de Développement de la Presse) communément appelé Aide à la Presse
Cette manœuvre administrative, aujourd’hui jugée illégale, traduisait une volonté du ministère d’exercer un contrôle direct sur l’habilitation et l’agrément des entreprises de presse. Un tel contrôle relève pourtant, dans un État de droit respectueux de la liberté de la presse, des instances autonomes comme le CNRA ou les instances professionnelles et non de l’exécutif, dont la mission principale est de faciliter et non de surveiller l’activité journalistique. Le CDEPS (Collectif des Entreprises de Presse au Sénégal) a d’ailleurs déploré plusieurs fois que le ministre ait voulu « déterminer seul la volonté d’exterminer la presse privée ».
La Cour Suprême désavoue ainsi une gestion qui s’apparentait à un abus de tutelle et un empiètement illégal sur les prérogatives des entités légalement instituées, y compris le CNRA, l’ARTP et les organismes habilités à encadrer et à accompagner le développement et la professionnalisation du secteur de la presse.
Conséquences administratives et le spectre du FADP
Les conséquences de ce séisme administratif sont immédiates et majeures, en particulier pour le Fonds d’Aide et de Développement de la Presse (FADP). D’abord, de quel aspect juridique le ministère va continuer de valider l’octroi des fonds aux médias que lui seul retenait « être en règle, reconnus ou respectant le code de la presse ? ». Étant donné que les arrêtés réglementant l’octroi et la distribution de l’aide à la presse (le FADP) ont été annulés par la Cour Suprême, la question de la validité juridique des aides déjà distribuées se pose avec acuité. Les décisions d’octroi prises sous l’égide de textes désormais caducs pourraient être contestées. L’administration doit de toute urgence éclaircir cette situation pour sécuriser la trésorerie et la situation comptable des entreprises bénéficiaires.
La réglementation du secteur et la restauration de la confiance:
La Cour Suprême a suspendu les arrêtés d’Alioune Sall. Le ministère se retrouve désormais dépourvu de tout instrument réglementaire légal pour encadrer l’identification des médias, laissant un vide juridique qui ne peut être comblé que par de nouveaux textes, cette fois élaborés dans le respect des dispositions du Code de la Presse et en concertation avec les professionnels. C’est une obligation, le ministère et sa direction de la communication doivent se mettre à l’évidence et arrêter la violence administrative auprès des acteurs et le viol des textes. Cette décision contraint le ministère à revenir à une posture de facilitation et non de contrôle. Elle donne un signal fort aux investisseurs et aux journalistes : les tribunaux sénégalais sont disposés à faire primer le droit sur l’arbitraire administratif. La plus haute administration du Sénégal a besoin d’harmoniser et de situer les responsabilités face à la prolifération des médias dans le secteur et selon les orientations et les statuts : la presse écrite au ministère de l’intérieur ( régime déclaratif) l’audiovisuel au CNRA, l’octroi des fréquences à l’ARTP, la presse en ligne par… ? ou la croisée des chemins qui mènent à la coupure des signaux ( selebe yoon ) que constitue la télédiffusion du Sénégal (TDS), bras de droit technique de …prompte à suspendre les flux des télévisions jugées belliqueuses ou les redirectionner illégalement quand elle le souhaite
La démarche du ministre Alioune Sall, qui a tenté de contourner les organismes existants par une réglementation parallèle, s’est heurtée au mur de la légalité. Le Code de la Presse, conçu pour moderniser et libéraliser le secteur, est censé minimiser l’intervention du pouvoir exécutif dans le contenu et l’organisation des médias. En s’ingérant dans l’identification et le FADP, le ministère a outrepassé ses droits, se rapprochant dangereusement d’une dérive d’abus de pouvoir. Le code de la presse a du retrouver son esprit
La Cour Suprême sonne l’alarme et rappelle à l’ordre l’administration. Désormais, le gouvernement doit continuer de travailler en étroite collaboration avec tous les acteurs, le CNRA, l’ARTP qui sont les deux organes de contrôle et de régulation uniques entités qui octroient et autorisent les concessions ( licences et fréquences) aux médias et aux acteurs pour rédiger des textes conformes au droit et à l’esprit démocratique pour la liberté de la presse
Le véritable défi est de transformer ce revers juridique en une opportunité pour l’administration : celle de légiférer correctement pour soutenir la presse sans jamais chercher à l’asservir.
Vivement, un secteur assaini pour une profession encadré au service du peuple et de la démocratie
