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Le Développement du capital humain est la clé de voûte du PSE (Me El Ousseyni Kane)

La première phase du Plan Sénégal Emergent (PSE) a été couronnée de succès. L’affirmation est de Me El Ousseyni Kane, directeur général du Bureau opérationnel de suivi du Pse (BOS). Dans cet entretien exclusif au Journal de l’économie sénégalaise (Lejecos), Me Kane fait le bilan des dix ans de mise en œuvre du PSE. Il revient également sur la seconde phase du PSE, la mise en place du Hub minier qui devra générer près de 26 mille emplois formels et informels, avec des impacts directs de 200 milliards FCFA de contribution au Pib et 250 milliards FCFA en termes d’exportations par an. Avocat spécialisé en fiscalité, finances et droit des affaires, El Ousseyni Kane est titulaire d’une Maîtrise de Droit privé (option droit des affaires) de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, d’un Diplôme d’études approfondies de droit économique et des affaires de l’Université d’Orléans. Il est aussi titulaire d’un Master en fiscalité et management de l’Ecole supérieure de gestion de Paris ainsi que d’un diplôme en Administration Publique (option économie et finances publiques) de l’Ecole nationale d’administration (ENA) de Paris. Entretien.

Monsieur le Directeur Général, pouvez-vous nous rappeler les missions et le cadre d’intervention du Bureau opérationnel de suivi du Plan Sénégal Émergent (Bos) ?

Grâce à la vision du Président de la République, Son Excellence Macky Sall, déclinée dans le Pse, le Sénégal s’est doté d’un référentiel unique de développement économique et social.  En cela, le PSE incarne une vision stratégique qui ambitionne de nous amener à l’émergence dans un horizon temporel bien défini à savoir 2035. Le Bos du fait de ses missions de coordination, de suivi, de résolutions des goulots et d’évaluation des performances réalisées, porte l’empreinte de cette volonté politique forte. Le Bos, on peut le dire, est la tour de contrôle, l’assurance résultat de cette vision en ce qu’il accompagne toutes les structures d’exécution dans la structuration des actions stratégiques, en suscitant la prise de décisions de haut niveau, grâce aux informations et outils d’aide à la décision partagés chaque semaine en Conseil des ministres et donc le Bos évalue l’impact réel des politiques publiques sur les populations bénéficiaires. Grâce à son expertise reconnue par-delà le monde, le Bos joue aussi un rôle de cabinet de conseils et d’accompagnement à l’image des mastodontes dans le secteur, pour toutes les structures étatiques, dans la mise en œuvre de leurs actions phares.  Il assiste aussi le secteur privé dans le cadre des investissements réalisés dans notre pays.


En 2022, le Bos s’est distingué dans l’organisation de beaucoup de rencontres et la réalisation de plusieurs études dont trois sur la pauvreté, la répartition des revenus issus de nos ressources pétrolières et gazières.  Pourquoi cette nouvelle approche dans des études d’impacts aussi stratégiques et sensibles ?


L’évaluation des politiques publiques renforce la qualité de la prise de décisions et donne lieu à des recommandations pour améliorer l’efficacité de l’intervention de l’action publique. L’évaluation constitue souvent le maillon faible du cycle des politiques publiques, et il faut le reconnaître les pays rencontrent encore beaucoup de difficultés pour la promouvoir. Évaluer la performance et les résultats aide à comprendre pourquoi certaines politiques publiques fonctionnent et d’autres non.

La qualité de l’évaluation des projets et programmes publics est à cet égard un facteur essentiel de garantie de la robustesse et de la validité de l’action publique.

Ces activités rentrent donc dans nos missions qui sont aussi de fournir des outils d’aide à la décision à la haute autorité. Il était devenu nécessaire, voire indispensable au bout de quelques années de mise en œuvre du Plan Sénégal Émergent (PSE) d’évaluer la pertinence des choix et des options, de voir les impacts réels sur le quotidien des populations de l’action publique déroulée. Il était aussi nécessaire face aux nouveaux enjeux, et au monde changeant, de s’intéresser à la prospective pour anticiper sur certains chocs et saisir les nouvelles opportunités par une analyse fine de l’évolution socio-économique de notre pays.


Nous avons réalisé ces dernières années plusieurs études dans ce cadre. Les plus récentes ont abordé la question de la transition dans la pauvreté pour apprécier les performances du Pse en termes de lutte contre la pauvreté, de réduction des inégalités ainsi que l’accès aux services sociaux de base. Les résultats ont permis de mieux comprendre les incidences socio-économiques des programmes de protection sociale sur la réduction de la pauvreté et les inégalités de revenus. Finalement, il serait important d’adopter une stratégie de sortie de la pauvreté et un ciblage dans la mise en œuvre des approches de protection sociale.
Nous avons conduit aussi une étude sur la répartition des ressources pétrolières. Là, il s’agissait de poser le débat sur l’allocation optimale à faire de celles-ci, entre les différents secteurs prioritaires qui doivent porter la croissance du Sénégal.

Une autre approche que nous avons développée aussi récemment, c’est une méthodologie innovante, assez révolutionnaire, mais redoutablement efficace qu’est le « Big Fast Result » en termes de structuration de projets, réformes et programmes d’envergures et complexes. Il était évident que beaucoup d’actions prioritaires du Pse tardaient à se réaliser du fait de l’absence d’une feuille de route claire et budgétisée, ainsi que la définition de tous les organes de gouvernance et de pilotage pour la mise en œuvre de ces initiatives.
 Avec cette méthodologie de Lab, qui nous a été inspiré par le Pemandu Delivry unit de la Malaisie et que nous avons domestiquée, nous avons pu réaliser la structuration de projets d’envergure du Pse comme les agropoles Sud et Centre, la relance de l’industrie pharmaceutique dans le contexte de la COVID, le Pse vert, le Hub minier régional, et pour cette année nous ferons la structuration complète des réformes phares « Modernisation de l’administration», le «Pse jeunesse», «l’écosystème de construction » et la stratégie d’import-substitution du blé par les céréales locales.

Le Plan Sénégal Émergent (Pse) constitue depuis 2014 le référentiel de la politique économique pour accélérer la marche vers l’émergence du Sénégal à l’horizon 2035. Après une dizaine d’années de mise en œuvre, quel bilan à mi-parcours tirez -vous sur le plan économique et social ?

La première phase décennale de mise en œuvre du Pse est rythmée autour de deux Plans d’actions prioritaires à savoir le PAP-1 sur la période 2014-2018 et le PAP-2 2019-2023. La première phase opérationnelle se singularise par une croissance soutenue de 6% en moyenne annuelle, portée par le secteur tertiaire, suivi du secondaire et du secteur primaire. Cette croissance a permis de réduire le taux de pauvreté du Sénégal de 5% qui est passé de 42,8% en 2011 à 37,8% en 2018. Il faut le souligner, le Sénégal enregistre le plus faible taux de pauvreté dans l’espace Uemoa.


La survenue en 2020 de la pandémie du Covid-19 a porté un coup de frein à cette dynamique de croissance. Ceci a justifié l’adoption en 2020 du Plan d’actions prioritaires ajusté et accéléré (PAP-2A) qui accorde la priorité aux secteurs de souveraineté tels que l’agriculture, le développement de l’agro-industrie, la santé et l’industrie pharmaceutique et ce, en vue de rétablir la trajectoire de croissance.
Ainsi, sur la période 2019 – 2022, la croissance moyenne annuelle s’est établie à 4,4%. L’exploitation du pétrole en 2023 devrait permettre d’atteindre un niveau de croissance plus élevé que celle de la première phase.

Cette première décennie a démontré clairement que le Pse est une réussite. Dix après, il est incontestable que la photographie du Sénégal en 2014 est différente de celle de 2023. Le Pse est une réussite à plusieurs égards.  Un nombre plus important de nos compatriotes ont accès à l’électricité avec le triplement de notre production énergétique. De même, l’accès à l’eau est devenu une réalité pour beaucoup de nos concitoyens avec la mise en service des ouvrages de Keur Momar Sarr (Kms), la construction de milliers de forages dans les zones les plus reculées et bientôt des usines de dessalement.

Nonobstant le fait que plus de territoires sont désenclavés avec des milliers de kilomètres de pistes, de routes et d’autoroutes mises en service, et qu’aujourd’hui les sénégalais produisent et nourrissent leurs compatriotes avec les performances notées dans le secteur de l’agriculture, de l’élevage, de l’aquaculture. Je pourrai en dire autant dans les politiques d’équité territoriale et sociale avec les filets sociaux mis en œuvre, dans la santé, l’éducation, la protection sociale. Le bilan est largement positif et la dynamique sera poursuivie pour porter notre pays sur les rampes de l’émergence.
 
Dans le cadre du suivi du Pse, on distingue 27 projets et 18 réformes phares, pouvez-vous revenir brièvement sur ces axes et catalyseurs économiques ?
 
La mise en œuvre du Pse est bâtie autour de secteurs prioritaires ou « batailles clés » pour la transformation structurelle de notre économie et une croissance partagée. Il s’agit de développer i) le secteur agricole, l’élevage et les produits de la mer, ii) le secteur minier et les fertilisants ; iii) l’habitat social et l’écosystème de construction ; iv) les services (tourisme, économie numérique, santé, éducation…) ; v) moderniser l’économie sociale et solidaire ; vi) faire du Sénégal un hub logistique et industriel.
 
Ces « batailles » sont déclinées à travers 27 projets phares inscrits dans un cadre normatif, notamment à travers les 18 réformes phares, pour rendre l’environnement plus incitatif et apte à favoriser l’atteinte des objectifs. 
 
Ces projets et réformes sont déclinés à travers plusieurs composantes phares qui doivent imprimer le rythme à notre stratégie d’émergence. Mais il faut le préciser, le Pse n’est pas seulement ces 27 projets et 18 réformes phares, mais une stratégie globale qui tourne autour de ses trois axes à savoir, la transformation structurelle de l’économie ;  le renforcement du capital humain et la protection sociale ; et enfin, la bonne gouvernance, la paix et la sécurité.
 

Source : Lejecos

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