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Hommage à l’inoubliable Professeur Iba Der Thiam (Ambassadeur Abdoulaye Dièye)

Il était grand, par la taille, par le cœur et par l’esprit. En lui, tout était grandiose: le nom, le destin, l’ambition, le savoir, le verbe, la fin.

Un jour de l’année 1979, sur le chemin de Sanar, à Saint-Louis, où j’allais rendre visite à un frère enseignant, je tombais sur un numéro du quotidien national Le Soleil qui publiait une interview du regretté Professeur Iba Der Thiam. Je fus aussitôt séduit par le niveau, le ton et la qualité des réponses du brillantissime Directeur de l’École Normale Supérieure. Je ne le connaissais encore qu’à travers les médias. Son rôle dans les épisodes heurtés de l’histoire syndicale du Sénégal des années 70 n’avait laissé personne indifférent.

Notre première rencontre, tant elle était rêvée, fut pour moi comme une consécration. C’était il y a une quarantaine d’années, dans la demeure de Serigne Mor Diop, cet homme de Dieu qui, bien plus tard, a dirigé la prière funèbre et la mise sous terre de son disciple, qui avait du reste plusieurs fois formulé ce vœu, la dernière remontant à quelques semaines avant son décès.
Notre relation, facilitée par notre guide commun, fut d’une qualité exceptionnelle. Durant tout le temps qu’il a exercé ses fonctions ministérielles, je puis me flatter d’être de ses modestes conseillers de l’ombre.
L’homme que j’ai connu n’était ni un ange ni un prophète. Il n’en avait d’ailleurs pas la vocation, convaincu que son bien-aimé était le sceau des envoyés.
Cependant, s’il devait être évalué à l’aune des valeurs éthiques et des nobles intentions, il aurait eu de fortes chances de partager les plaisirs et faveurs réservés aux élus de DIEU, étant parmi les humbles serviteurs de son créateur. Il était, en effet, un musulman croyant, décomplexé, rigoureux, serviable et profondément humaniste. Il était aussi intègre et totalement dévoué aux causes justes.

Par sincérité maladive, il avait développé une tendance extrême à la naïveté dont il ne pouvait s’extraire malgré mille expériences, car il donnait toujours crédit, respect et considération à son interlocuteur. Même s’il l’avait trompé et lui avait menti plus d’une fois.

Tout ce qui est fabuleux est aussi relatif. Donc, loin d’être parfait, Iba Der pouvait se trompe, dans l’idée comme dans la cause, mais toujours de bonne foi, avec la saine intention de bien faire, d’aider son prochain, de rehausser et de défendre sa culture.

Il était ce patriote charmant qui aimait son pays d’un amour sans partage qui, plus que d’arracher les larmes, lui crevait les yeux. Il confondait dans l’humanisme, la générosité dans le don de soi, l’altruisme et la projection du bien partout où le menait son chemin.

Oui, il aimait la reconnaissance. Sûrement, parce qu’il avait célébré à outrance le jom et le ngor, dont il portait les valeurs sublimales, les élevant au rang de dogme divin. Qui le connaissait, put déceler en lui le refus du déshonneur et de la compromission, de l’oppression et du défaitisme, de l’humiliation et des passe-droits.

Homme de courage et d’abnégation, il était un donateur anonyme et désintéressé, qui avait banalisé la fortune et les biens matériels.
Le besoin de servir et la quête de justice l’avaient décidé notamment à entrer en politique comme plus tôt dans le syndicalisme.
Utopiste innocent dans le sens le plus noble, il ne réalisait guère que tout le monde n’était pas capable, comme lui, des plus grands sacrifices et renoncements. Sa générosité lui faisait penser que tout un chacun pouvait et devait produire les prouesses qui étaient les siennes. Il ignorait peut-être que, grâce à DIEU, il était un être exceptionnel, aux capacités intellectuelles particulières, au charisme incontestable et au cœur doux.

S’étant soumis en toute chose à une obligation de résultats, il avait ainsi tendance, comme un sacerdoce, à imposer à l’entourage son perfectionnisme idéaliste. Cette conduite pouvait susciter des heurts et incompréhensions et générer la réaction excessive de certains esprits intolérants. Pourtant, lui qui pouvait, comme un jeune garçon passionné dans une aire de jeux, s’emporter brusquement et bruyamment, était aussi incroyablement capable de pardonner et d’oublier le plus blessant des affronts.

Intellectuel de renom, nourri aux sources de penseurs émérites à l’image de Cheikh Anta Diop, il était à la fois producteur, consommateur et conservateur d’une fabuleuse œuvre scientifique. Son humilité était aussi formidable que son œuvre.
Puisse ALLAH qu’il adorait avec ferveur, l’admettre dans son paradis céleste, auprès du meilleur des élus qu’il aimait de tout son être.

Ambassadeur Abdoulaye Dièye
Diplomate à la retraite.

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