De la traque à la justice républicaine : Le défi de la constance (Par Talla Sylla)

En 2013, face à l’impératif de moralisation de la vie publique, notre plaidoyer pour une Commission Vérités et Transparence visait à doter la Nation d’un cadre de reddition des comptes au-dessus de la mêlée politique. Notre postulat était simple et demeure intact : il existe une convergence d’intérêt entre l’accusation et la défense – tous réclament la lumière. La véritable victoire du peuple sénégalais ne réside pas dans la simple sanction, mais dans l’établissement de la vérité au grand jour, par une procédure que nul ne pourrait contester.

Aujourd’hui, alors qu’un nouveau régime brandit l’étendard de la « reddition des comptes » avec une vigueur légitime, une inquiétude grandissante s’installe. Le combat contre la délinquance en col blanc, loin de se plier aux exigences de rigueur républicaine, semble par moment verser dans la précipitation et la sélectivité.

La constance du principe de justice nous oblige à dénoncer toute instrumentalisation, qu’elle vienne du régime d’hier ou de celui d’aujourd’hui.

Protéger les deniers du peuple, oui. Mais comment ?

La justice ne peut se contenter d’être efficace ; elle doit avant tout être juste. La multiplication des arrestations avant même que les preuves irréfutables soient publiquement et légalement établies, ou la pratique de l’incarcération préventive systématique, donnent l’impression que le chemin de la justice est perverti.

Des cas récents, où des personnalités comme Farba Ngom ou l’épouse de Madiambal Diagne sont ciblées en dépit de leur état de santé, mettent cruellement en lumière un manque de sagesse et de dignité républicaine. L’État ne doit jamais échanger la présomption d’innocence et le respect de la personne humaine contre une présomption de culpabilité fondée sur la seule ardeur politique.

Notre position est constante et cohérente :

  • Priorité à l’Instruction Impeccable : La véritable force de la reddition des comptes réside dans la qualité des audits et la solidité des preuves établies par les corps de contrôle (Cour des comptes, IGE). C’est sur cette base, et non sur la seule rumeur politique, que l’action judiciaire doit se déployer.
  • Le Droit à la Lumière : Le traitement républicain exige des procédures qui garantissent l’équité et la transparence. La Justice ne doit pas être un théâtre, mais un lieu où l’on garantit l’accès aux droits et la dignité, même aux plus grands accusés.
  • L’Évitement du Règlement de Comptes : La lutte contre la corruption doit être transpartisane. Si elle ne vise que les adversaires du moment, elle perd toute légitimité morale et républicaine pour devenir un simple outil de liquidation politique.

Le peuple sénégalais a soif de vérité et de justice, pas de vengeance sélective. La protection des deniers publics n’exige ni précipitation, ni pratiques douteuses. Elle exige le courage d’appliquer le droit avec la rigueur du juge et la sagesse du législateur, afin que la « reddition des comptes » ne soit pas le triomphe d’un camp, mais la victoire définitive de la Loi sur l’impunité.

Talla SYLLA

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