www.enligne.sn

Covid-19 et restauration des paysages au Sénégal (Ousseynou Ndoye)

Phd, Ousseynou Ndoye est economiste agricole et forestier, ancien fonctionnaire de l’organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (Fao)

La pandémie de la Covid 19 a fortement réduit les émissions de gaz à effet de serre et la pollution de l’air dans le monde entier en général et au Sénégal en particulier, ce qui est très bénéfique pour la santé humaine, l’équilibre écologique et la lutte contre le réchauffement climatique. La restauration des paysages à travers les plantations d’arbres permet d’obtenir le même impact que la Covid 19 sur l’environnement.
 
1. INTRODUCTION

 En outre, elle permet d’atténuer les vagues de poussière venant du Sahel très fréquentes à Dakar et dans les autres régions du Sénégal. La restauration des paysages a pour objectif de planter des arbres dans différentes formes d’utilisation des terres gérées de manière intégrée. Les bénéfices attendus sont entre autres, l’augmentation du couvert forestier qui permet la séquestration de dioxyde de carbone, l’augmentation de la biodiversité, la réduction de la pollution de l’air dont Dakar souffre énormément, le renforcement de la sécurité alimentaire et nutritionnelle des populations, l’octroi d’emplois verts pour les populations (surtout pour les femmes et les jeunes) et la lutte contre la pauvreté. Une étude scientifique a montré que pour chaque dollar USA investi dans la restauration des paysages, un bénéfice au moins égal à 30 dollars USA pourrait être obtenu. Cela veut dire que la restauration des paysages doit être une priorité pour le Sénégal. En outre, elle doit être considérée comme une approche de développement durable et de lutte contre les changements climatiques.

2. ARBRES POTENTIELS POUR LA RESTAURATION DES PAYSAGES AU SENEGAL

Le choix des espèces d’arbres à promouvoir dans la restauration des paysages doit être discuté avec les communautés pour intégrer leurs besoins et leurs intérêts, qui sont entre autres, le renforcement de la sécurité alimentaire et nutritionnelle, les emplois verts, la disponibilité du bois de feu, l’obtention de revenus et de l’ombrage pour atténuer la chaleur, etc…

Au moins deux catégories d’arbres peuvent être utilisées pour la restauration des paysages au Sénégal. Les arbres appelés produits forestiers ligneux (PFL) et ceux connus sous le nom de produits forestiers non ligneux (PFNL).
Dans cet article, les PFNL sont définis comme des produits d’origine végétale autres que le bois d’œuvre, issus des forêts, des terres boisées et des arbres hors forêts. On peut citer les feuilles, les graines, les noix, les fruits, les champignons, les racines, les tiges, les écorces, les lianes, les sèves.

Les PFNL les plus populaires au Sénégal sont les suivants: Karité (Vitellaria paradoxa), Baobab ou Bouye (Adansonia digitata), Ou le ou Nététou ou Néré (Parkia biglobosa), Neem (Azadirachta indica), Madd (Saba senegalensis), Toll (Landolphia heudelotii), Sap Sap ou Nebeday (Moringa oleifera), Gomme arabique (Acacia spp), Dakhar ou Tamarin (Tamarindus indica), Ditakh (Detarium senegalensis), Dankhe (Detarium microcarpum), Soump (Balanites aegyptiaca), Jujube ou Sidème (Ziziphus mauritiana), Kooni (Borassus aethiopum), Noix d’acajou (Anacardium occidental), Dimbe (Cordyla pinnata), Guerte Tubaab ou Badamier (Terminalia catappa), Leungue (Vitex doniana et Vitex madiensis), Neb-Neb (Acacia adansonii),Nèw ou Pommier du Cayor (Parinari macrophylla), Solom (Dialium guineense), Taba (Cola cordifolia), Xewer ou Cerisier du Cayor (Alphania senegalensis), Marula ou Beer en Wolof ou Prunier d’Afrique (Scerocarya birrea), Dugoor ou Pomme cannelle du Sénégal (Annona senegalensis), Mame patan ou Prunier de Guinée (Parinari excelsa), etc…

Ces produits sont riches en vitamines A, B, C, D, E, K et en minéraux: calcium, magnésium, fer, potassium, sodium, zinc, phosphore, manganèse. C’est pourquoi il faudrait recréer des peuplements de ces arbres dans la cadre de la restauration des paysages au Sénégal.

L’importance des PFNL peut être appréhendée à travers leurs contributions:

a) Au renforcement de la sécurité alimentaire et nutritionnelle des populations par la consommation directe après la collecte primaire ou par l’achat d’autres denrées alimentaires à partir des revenus obtenus de la vente des PFNL.

b) A la lutte contre la pauvreté rurale à travers les revenus qu’ils génèrent. Ces revenus peuvent permettre d’acheter d’autres biens.

c) Aux emplois des femmes et des jeunes. A ce titre, les PFNL contribuent au développement de l’entrepreneuriat et des Petites et Moyennes Entreprises (PME).

d) A l’amélioration de la santé des populations à travers l’utilisation des plantes médicinales que fournissent ces arbres.

e) A la résilience des populations et à l’adaptation aux changements climatiques à travers l’incorporation des PFNL dans les espaces agricoles.

f) Aux Objectifs de Développement Durables (ODD) notamment ODD1 lutte contre la pauvreté comme indiqué au point b) ci-dessus; ODD2 faim zéro comme mentionné au point a) ci-dessus; ODD3 bonne santé et bien-être (à travers l’utilisation des plantes médicinales) comme indiqué au point d) ci-dessus; ODD4 accès à une éducation de qualité (en effet dans le monde rural, les femmes vendent des PFNL pour payer la scolarité et les fournitures de leurs enfants); ODD11 villes et communautés durables (les arbres permettent d’embellir les rues, les avenues et les espaces publics créant ainsi des villes vertes); ODD 13 et ODD 15, mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques et vie terrestre (les arbres permettent de séquestrer du carbone et d’augmenter le couvert forestier, voir également le point e) ci-dessus.

Les produits forestiers ligneux (PFL) sont ceux qui fournissent le bois d’œuvre. On peut citer, entre autres, le bois de Venne (Pterocarpus erinaceus), le Fraké (Terminalia superba), le Bentégné ou Fromager (Ceiba pentendra), l’Acajou ou Cailcedrat (Khaya senegalensis), le Flamboyant (Delonix regia), l’Ebène (Diospyros sp.), le Tulukuna (Carapa procera), le Kadd (Acacia albida ou Faidherbia albida), les Figuiers (Ficus lutea ou Ficus platyphylla ou Ficus umbellata ou Ficus polita) etc…
L’Agence Sénégalaise de la Reforestation et de la Grande Muraille Verte (ASRGM) qui vient d’être créée au sein du Ministère de l’Environnement et du Développement Durable (MEDD) devra tenir compte de ces types d’arbres (PFL et PFNL) dans son programme de restauration des paysages au Sénégal.

En outre, l’agence doit mener des campagnes en utilisant les médias pour mieux sensibiliser les populations rurales et urbaines sur l’importance des arbres dans la lutte contre les changements climatiques et la conservation de la biodiversité.
Les mairies et les collectivités locales devraient être mobilisées pour prendre en charge les plantations d’arbres le long des différents axes routiers et dans les espaces publiques de leurs circonscriptions dans le cadre de la promotion des villes vertes. Les ministères de l’Urbanisme, du Logement, et de l’Hygiène Publique; de l’Education Nationale; de l’Enseignement Professionnel; de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation devront également être sensibilisés pour les plantations d’arbres le long des autoroutes et certaines routes qui ne sont pas du domaine administratif des mairies et des collectivités locales; et dans les écoles primaires, les lycées, les écoles professionnelles et les universités. Tous ces efforts de restauration permettront au Sénégal de mieux se prémunir contre d’éventuelles autres menaces post Covid 19 que sont les changements climatiques, la pollution de l’air et le déséquilibre écologique. Il faut souligner que le Ministère de l’Urbanisme, du Logement, et de l’Hygiène Publique est en train de faire un travail très important qu’il faut magnifier.

3. CULTURE DES ARBRES ET PAS SEULEMENT DE LES PLANTER POUR REUSSIR LA RESTAURATION DES PAYSAGES AU SENEGAL

Le concept de culture des arbres doit se substituer à celui de planter des arbres. La culture des arbres inclut l’acte de planter ainsi que le suivi et la prise en charge de toutes les étapes en aval jusqu’à la maturation pour la réussite totale de l’opération. Chaque année, la journée internationale des forêts est célébrée le 21 mars, celle de la biodiversité le 22 mai, la journée mondiale de l’environnement le 5 juin et celle de la lutte contre la désertification et la sécheresse le 17 juin. Des centaines de milliers d’arbres sont plantés dans ces journées mais malheureusement les taux de survie ne sont pas toujours satisfaisants car une fois plantés la majorité des arbres sont laissés à eux-mêmes et ne sont pas suivis.
La culture des arbres doit être la nouvelle stratégie qui doit être adoptée. Ce concept doit être porté par l’ensemble de la population en général, et en particulier par les communautés rurales avec qui l’administration forestière pourra signer des contrats d’entretiens et de suivis des arbres pour en retour obtenir un droit d’usage commercial sur les arbres dont les fruits pourront être récoltés tout en veillant à la préservation de l’arbre même.

Ainsi les communautés villageoises auront le droit de consommer et de commercialiser les fruits des arbres plantés pour satisfaire leurs besoins de premières nécessités ce qui les motivera davantage pour le suivi et l’entretien. Pour lutter contre les comportements individuels opportunistes, les communautés devraient être organisées en coopératives ou en associations ou en petites et moyennes entreprises (PME) où les membres travailleront en groupes pour l’entretien et le suivi des arbres. Avant la maturation des arbres plantés, les membres des coopératives ou des associations ou des PME devraient être formés à l’entrepreneuriat pour mieux comprendre les avantages de travailler et de vendre en groupes pour augmenter leur pouvoir de négociation; ils devront également être formés à la comptabilité simplifiée, à la gestion des bénéfices, à l’élaboration des plans de développement d’entreprises ou plans d’affaires, à la transformation des produits pour créer une plus grande valeur ajoutée, et sur les choix d’investissements productifs pour diversifier leurs activités et leurs revenus.

4. CONCLUSIONS

La Covid 19 montre l’importance de cultiver les arbres et de les pérenniser pour la restauration durable des paysages au Sénégal. Celle-ci permet de renforcer la sécurité alimentaire et nutritionnelle des populations, de lutter contre la pauvreté, d’augmenter le couvert forestier, la biodiversité, et la séquestration du carbone, de réduire la pollution de l’air afin de doter le Sénégal de forces endogènes durables pour la lutte contre les changements climatiques et le déséquilibre écologique qui sont des menaces potentielles post Covid 19.

Votre avis