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Civils tués par une frappe aérienne : pressions sur Paris et Bamako

L’armée française dit avoir éliminé des dizaines de djihadistes, tandis que des villageois dénoncent la mort de plusieurs civils lors d’un mariage. S’agit-il d’une bavure meurtrière que la France voudrait maquiller grossièrement ou une tentative de manipulation de l’opinion menée par les djihadistes ?

Ce que l’on peut établir, souligne Le Djely guinéen lu par France Culture, c’est que « cette fois les responsables de cette tuerie ne sont ni des djihadistes ni des groupes d’auto-défense échappant au contrôle des autorités maliennes ». Non, pour frapper ainsi depuis le ciel, il ne peut s’agir que de deux protagonistes : les forces armées maliennes ou la force française Barkhane qui, en ce moment on le sait, est engagée dans un combat particulièrement intense avec les groupes djihadistes dans cette région du Mali en particulier. 

Or, reprend Le Djelyî, la France est formelle : elle reconnaît avoir frappé un groupe terroriste le même jour dans le même secteur, avec des avions Mirage et non avec des hélicoptères. Paris exclut fermement toute erreur, dans une communication a minima qui, il faut bien le dire, ne suffit pas à éteindre la flambée de sentiments anti-français à laquelle on assiste depuis dimanche sur les réseaux maliens. 

Quant aux forces armées du Mali, elles ont d’abord, lundi, gardé un silence pesant avant, comme le relaie faute de mieux L’Indépendantde Bamako, de se borner à déclarer qu’elles n’avaient “mené aucune opération ce jour-là au-dessus du secteur concerné“. 

Des deux réponses, la française et la malienne, aucune ne satisfait vraiment Le Djely, qui voit derrière ces postures de déni “du flou et des non-dits“. “Si en effet Barkhane n’était pas responsable de ce raid, pourquoi n’aiderait-elle pas alors à identifier ce qui en sont les coupables ?” s’interroge le quotidien guinéen. “Et quand l’Etat malien réalisera-t-il que c’est à lui de protéger ses citoyens, et de leur dire ce qu’il s’est réellement passé à Bounti ?” La pression est donc mise sur Bamako et Paris pour qu’elles acceptent d’enquêter sur ce qui s’est réellement passé à Bounti, ce qu’elles refusent pour le moment de faire alors que la Minusma, la force de l’ONU au Sahel, a déclenché sa propre enquête mardi.

Les doutes persistent sur les deux versions qui s’affrontent, estime à son tour le journaliste spécialiste des opérations extérieures de l’armée française Jean-Marc Tanguy sur son blog Le Mamouth. Il s’étonne qu’aucune image de l’attaque filmée depuis le sol n’ait été diffusée par les villageois, s’étonne aussi du temps (36 heures) qu’il a fallu à l’état-major français pour répondre aux soupçons, dans une forme, qui plus, est très lapidaire. Barkhane ne dissipera pas les doutes tant qu’elle n’aura pas déclassifié les vidéos des frappes qu’elle a forcément en sa possession, poursuit le journaliste défense qui nous apprenait aussi lundi, dans un autre article, que Paris a déjà commencé à réduire les effectifs de sa force Barkhane au Mali alors qu’aucun ordre de retrait du Sahel n’a encore été pris, officiellement en tous cas. 

Avec France Culture

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